Depuis les attentats du 11 septembre, Yeslam Binladin refusait presque toutes les interviews. Il a accepté de parler à la TSR. Le problème, c'est qu'il a co-produit l'émission.

A l'exception notamment d'une interview par télécopie accordée au Temps au mois de septembre, Yeslam Binladin (c'est l'orthographe qu'il a choisi d'utiliser) jouait les hommes invisibles. Patron depuis 1980 de la Saudi Investment Company, le demi-frère du terroriste Oussama est un homme discret. Il n'a jamais souhaité apparaître parmi les personnalités les plus fortunées de Suisse, alors que son patrimoine est estimé entre 100 et 200 millions de francs.

Un beau scoop...

La TSR a donc réalisé un beau scoop cette semaine en interrogeant longuement ce financier de 51 ans, qui partage son temps entre les bords du lac Léman et ceux de la Méditerranée. Yeslam Binladin parle de son demi-frère «profondément religieux», rappelant qu'il était l'un des rares garçons de la famille à ne pas avoir fait des études à l'étranger.

Seul problème: la TSR a réalisé cette émission en collaboration avec Almaz Film Productions, une société dirigée par le producteur Gérald Morin, et appartenant... à Yeslam Binladin, actionnaire largement majoritaire. Fondée en avril 2001 à Berne, Alma Film Productions possède un capital de 100 000 francs.

Une collaboration pour le moins étrange et qui aurait dû être mieux signalée aux téléspectateurs. Imaginez que, demain, un Conseiller fédéral co-produise ses interventions, ou, pourquoi pas, propose des portraits ou des interviews clés en main aux médias.

...mais une affaire de gros sous

D'autant qu'il y a des gros sous en jeu. La TSR a en effet déjà revendu à des chaînes étrangères, notamment française et américaines, les propos de Yeslam Binladin. Et cette émission n'est que la première partie d'un projet beaucoup plus vaste: un grand documentaire sur la famille Ben Laden, l'une des plus riches d'Arabie Saoudite.

Apparemment, les Ben Laden savent se servir des médias. Pendant qu'Oussama utilise la chaîne qatarie Al-Jazira en Afghanistan pour narguer les Américains, Yeslam tricote des émissions avec la collaboration de la Télévision suisse romande.

Pour les uns, on n'est jamais mieux servi que par soi même. Et, pour les autres, on est jamais assez prudent.

Luigino Canal

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