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Viktoriia et Polina habitent désormais chez moi

Viktoriia et Polina lors d'une manifestation pour la paix qui a eu lieu le 2 avril à Berne. Sladusha/swissinfo.ch

Viktoriia Bilychenko et sa fille Polina ont fui la ville de Mykolaïv, dans le sud de l’Ukraine, pour se réfugier en Suisse et vivent désormais à Berne, à 2500 kilomètres de chez elles. Leur quotidien a radicalement changé – le mien seulement un peu.

Ce contenu a été publié le 28 avril 2022 - 12:48

Elles sont arrivées fin mars, chargées de deux sacs et de deux sacs à dos. Un collaborateur de la protection civile suisse les a amenées en voiture, a déposé les bagages dans la maison et a pris congé d’elles.

Après l’éclatement de la guerre, j’avais contacté l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés. La souffrance humaine, les personnes qui fuient et les images de l’immense destruction causée par cette attaque impitoyable de la Russie sur son pays voisin souverain m’ont secouée. Accrocher des drapeaux ukrainiens à la fenêtre et poster des colombes de la paix est certes une bonne chose. Mais face à cette guerre misérable, cela ne me semblait pas suffisant, moi qui mène une existence confortable de retraitée dans une Suisse riche et paisible.

Lorsque j’ai reçu un appel du centre fédéral d’asile à Berne me demandant si mon offre était toujours d’actualité, j’ai tout de même eu un peu peur. Est-ce que je peux le faire? Est-ce que je le veux? J’ai alors pris mon courage à deux mains et j’ai accepté. Et désormais, elles sont là, toutes les deux.

Elles déballent leurs affaires et Viktoriia dépose dans la cuisine bernoise deux tasses de thé, des couverts et un torchon qui viennent de chez elle, à Mykolaïv. «Un morceau de notre foyer pour Polina», dit-elle.

Après sa première nuit chez moi, Viktoriia se tient devant moi et me dit: «I miss my husband» («mon mari me manque»). Son mari, marionnettiste au théâtre municipal de Mykolaïv, a dû rester sur place, comme tous les Ukrainiens âgés de 18 à 60 ans. Son frère et sa belle-mère sont aussi encore là-bas, tandis que sa mère vit en Pologne. C’est elle qui a conseillé à sa fille de ne pas rester en Pologne. En raison des plus de deux millions de réfugiés, il n’y a presque plus de logements. C’est ainsi qu’après un voyage de quatre jours via Varsovie et Vienne, elles ont atterri à Berne.

Parcours administratif

Après quatre jours, Polina, dix ans, dort pour la première fois dans sa propre chambre. Et elle me fait un dessin avec de hautes montagnes et une cabane. On dirait les Alpes suisses, où elle n’a encore jamais mis les pieds.

Après une semaine à Berne, mes «protégées» obtiennent le statut de protection S. Et comme le salaire de Viktoriia ne suffit pas pour la vie locale, nous nous rendons au service social de l’asile, nous nous mettons dans une longue queue et nous nous énervons contre les personnes qui veulent passer devant tout le monde, ce qui semble exister aussi parmi les Ukrainiens et les Ukrainiennes.

Le lendemain, nous ouvrons un compte chez PostFinance, puis nous nous rendons à la police des étrangers et au service scolaire. Après les vacances de printemps, Polina intègre une classe d’allemand intensive, avec deux enfants ukrainiens du voisinage.

De la neige au printemps à Berne a constitué un événement pour les deux réfugiées ukrainiennes. swissinfo.ch

Peu à peu, le quotidien s’installe: l’Ukrainienne de 34 ans travaille comme coach informatique pour une entreprise canadienne et passe ses journées devant son ordinateur, non plus à Mykolaïv, mais à Berne – une nomade numérique en quelque sorte. Sa fille suit des cours en ligne. Toutefois, le nombre de leçons ne cesse de diminuer. Sur les 33 enfants, il n'y en a plus que dix à cause des troubles de la guerre. J'apprends donc de temps en temps un peu d’allemand avec Polina, à l’aide de cartes de mémoire, de pictogrammes et de Google Translate.

Polina va débuter un cours intensif d'allemand après les vacances de printemps, mais elle a déjà commencé les premiers exercices. swissinfo.ch

Choc culinaire

L’odeur de la viande se répand dans mon foyer végétarien, la cuisine ukrainienne étant très carnée et consistante. Et le réfrigérateur est plus rempli que jamais. L’offre énorme du supermarché, par exemple en yaourts, chocolat et bien d’autres choses, est trop tentante pour elles deux. Il y a aussi plus de déchets plastiques qu’avant.

Premier argent suisse. Viktoriia trouve les billets suisses «very beautiful». swissinfo.ch

Mais qu’importe: Viktoriia et Polina ont été catapultées hors de leur quotidien quasiment du jour au lendemain, doivent s’inquiéter pour leurs proches qui souffrent d’une terreur constante due aux bombes et n’ont plus d’eau courante depuis des jours. Dans ce contexte, une passoire à salade mal rangée n’est pas la fin du monde.

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