Une rançon qui passerait par la Suisse
Grâce à l'affaire des ventes d'armes à l'Angola, un juge genevois a retrouvé la trace d'une rançon versée par Paris en 1988 pour libérer des otages.
Ancien agent des services secrets, ancien préfet du département du Var, Jean-Charles Marchiani n'est pas un homme très prudent. Depuis plus de dix ans, il possède trois comptes à son nom dans la Cité de Calvin. Trois comptes qui sont régulièrement alimentés par de généreux donateurs.
Au début de l'année dernière, le juge d'instruction Daniel Devaud, enquêtant sur des ventes d'armes à l'Angola, demande aux banques de lui signaler toutes relations avec neuf personnes. Parmi elles, Charles Pasqua, ancien ministre français de l'Intérieur, Pierre Pasqua, son fils, et Jean-Charles Marchiani, son bras droit.
Rapidement, les établissements financiers révèlent l'existence de ces trois comptes. Jean-Charles Marchiani entretient bien des liens financiers avec les vendeurs d'armes pour l'Angola. Mais pas seulement. Le député européen, membre du Rassemblement pour la France (RPF), le parti de Charles Pasqua, reçoit également des fonds d'Iskandar Safa, un homme d'affaires d'origine libanaise.
Inculpation de Mme Marchiani
L'homme, encore inconnu du grand public, accepte de répondre à une convocation de Daniel Devaud à l'automne 2001, dans le cadre d'une enquête pour «blanchiment d'argent». Il a mis le doigt dans l'engrenage. Investiguant sur une vente d'armes à l'Angola, le magistrat suisse tombe sur une rançon versée en 1988 par la France à des ravisseurs libanais pour la libération d'otages.
Plus grave: deux des négociateurs, Iskandar Safa, un négociant spécialisé dans la vente d'équipements militaires, et Jean-Charles Marchiani, sont soupçonnés d'avoir empoché une partie de cette rançon.
Iskandar Safa fait l'objet depuis le 28 décembre dernier d'un mandat d'arrêt international. Christiane Marchiani, l'épouse du député européen, et Marie-Danièle Faure, proche collaboratrice de Charles Pasqua, sont inculpées pour «recel de blanchiment aggravé» et «trafic d'influence aggravé».
Les ennuis de Jean-Charles Marchiani ne devraient pas s'arrêter là. swissinfo peut révéler que le juge genevois Daniel Devaud a aussi découvert qu'en 1995, à l'occasion d'une autre libération d'otages (il s'agissait de deux pilotes français détenus par des Serbes), près de 20 millions de francs français atterrissent sur un compte suisse du bras droit de Charles Pasqua.
Pourquoi de tels personnages ne prenaient-ils pas plus de précautions? «Pendant des années, ils se sont sentis intouchables. Ils n'imaginaient même pas que la justice puisse enquêter sur eux et envoyer une commission rogatoire internationale en Suisse», souligne un proche du dossier.
Ian Hamel

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