Un week-end avec Takeshi Kitano
Du vendredi 5 au dimanche 7 novembre, le ciné-club Ciné Plus de Fribourg prolonge le bonheur extrême provoqué par la sortie toute récente du dernier film de Takeshi Kitano, génial cinéaste nippon touche-à-tout.
Du vendredi 5 au dimanche 7 novembre, le ciné-club Ciné Plus de Fribourg prolonge le bonheur extrême provoqué par la sortie toute récente du dernier film de Takeshi Kitano, génial cinéaste nippon touche-à-tout. A la clé du week-end, trois films précédent du maître : «Sonatine» (1993), «Kids Return» (1996) et «Hana-bi» (1997). La découverte d'un des plus grands réalisateurs de ce temps et d'une cinématographie qui aime la discrétion.
Avant l'avénement de Takeshi Kitano, l'Occident s'escrimait à combler un fossé culturel qui n'en finit pas de pousser les auteurs nippons dans la confidentialité. Et puis, en 1997, le Festival de Cannes, puis celui de Venise ont couronné successivement Shohei Imamura pour «L'anguille» (Palme d'or à Cannes), Naomi Kawase pour «Suzaku» (Caméra d'or - meilleure première oeuvre - à Cannes) et Takeshi Kitano pour «Hana-bi» (Lion d'or à Venise).
Et pourtant, même quand l'année cinéma est japonaise, elle l'est partout sauf au Japon. Là-bas, le cinéma d'auteur vit mal. Même les plus grands noms, tel Akira Kurosawa, sont sans cesse transfusés financièrement par les Européens et les Américains. Jusqu'à ce que ses compatriotes daignent le soutenir, Takeshi Kitano n'avait pas de mots assez durs pour qualifier ses compatriotes : «Les Japonais sont cons!»
Non content de ne s'intéresser qu'au cinéma de genre ultracodifié, le spectateur nippon va cinq fois moins au cinéma qu'il y a trente ans et dix fois moins qu'il y cinquante ans. De plus, les films étrangers, en particulier américains, écrasent le marché et les premiers films japonais à se hisser dans les grands succès (c'est-à-dire la plupart du temps les dessins animés manga ou, dans une moindre mesure, les genres incontournables comme les films de sabres) dépassent rarement la quinzième place. Enfin, et malgré tous leurs efforts, les trois grandes sociétés de production (Toei, Shochiku et Toho) financent seulement soixante films par an contre deux cents cinquante films «pinku» (pornographiques).
Des chiffres alarmants pour une cinématographie nippone qui a été et qui n'en finit pas de se relever, mais uniquement à l'étranger. Ce cinéma-là a toujours manqué de moyens face aux histoires stéréotypées de yakuzas ou de samouraïs pour lesquelles les techniciens étaient d'accord de dormir sur le plateau afin de ne pas perdre de temps.
Ce que joue le Japon aujourd'hui, c'est la perte de la différence. Il faut que le cinéma japonais redémarre, fasse le vide, comme le montre si bien Takeshi Kitano : l'un de ses titres, «A scene at the Sea» (littéralement : «Une scène au bord de la mer»), reprend son image la plus récurrente, celle d'un paysage vu de la plage, paysage lisse, sans accroc, où les personnages de ses films «Boiling point», «Sonatine», «Kids Return», «Hana-bi» ou «L'été de Kikujiro», actuellement sur les écrans, viennent se ressourcer. Une mise à plat essentielle pour un nouveau départ qui sauvera peut-être enfin l'honneur du cinéma d'auteur japonais devenu cosmopolite par la force des choses.
Thierry Jobin
Fribourg, Cinéma Rex. Festival Kitano, du vendredi 5 au dimanche 7 novembre. Rens.: 026/347 31 50.

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