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Un médailleur genevois débrouillard

Jean Dassier, ou comment ciseler en frappant! (swissinfo/SRI) swissinfo.ch

Le Musée d'Art et d'Histoire de Genève propose jusqu'au 3 février une exposition consacrée à Jean Dassier, «médailleur genevois et européen (1676-1763)». Si la médaille n'est plus exactement un genre en vogue, le parcours du personnage n'en est pas moins surprenant.

Ce contenu a été publié le 22 septembre 2001 minutes

L'Encyclopédie de D'Alembert et Diderot ne mentionne que trois médailleurs. Jean Warin, la star française du genre au 17e siècle, le Genevois Jean Dassier et son fils Jacques-Antoine, qui suivit avec génie semble-t-il la voie de son père. Autre signe de reconnaissance, une rue genevoise porte le nom de Jean Dassier. Mais qui sait encore aujourd'hui de qui il s'agit?

Car l'art de la médaille, central au 17e et au 18e siècles, a vu sa cote baisser au 19e siècle déjà. Et la démarche de Jean Dassier n'y est peut-être pas étrangère.

Galeries de portraits

«Jean Dassier est un personnage-clé dans l'histoire de la médaille», explique Matteo Campagnolo, commissaire de l'exposition. Avant lui, elle servait à commémorer un événement important. Mais sur la lancée de ceux qui vendaient des estampes, Dassier a eu l'idée de satisfaire une clientèle fortunée et exigeante du point de vue artistique, en lui offrant sur support métallique des séries, en l'occurrence les Rois de France, les grands personnages anglais, ou des illustrations, par exemple les épisodes principaux des Métamorphoses d'Ovide. C'est ce qu'il a fait.»

Avec l'arrivée de la photo, ce type de représentations ne pourra que tomber en désuétude, émoussé déjà par les critiques qu'il subissait: «On a taxé ces médailles d'être des reproductions serviles de dessins, de peintures et surtout d'estampes, donc de n'avoir aucune autonomie artistique. Ce qui est complètement faux: le support différent exigeait une très profonde ré-élaboration des modèles» constate Matteo Campagnolo.

Un frappeur sachant frapper

Précurseur, Jean Dassier a inventé une technique qui lui permettait de frapper des objets (cadran de montres, tabatières, médailles) en série tout en leur conférant l'apparence d'objets ciselés, diminuant ainsi largement le temps de production. Un peu comme si on faisait passer une gravure industrielle pour une gravure à la main?

«C'est cela. A tel point que dans les principaux musées européens auxquels nous nous sommes adressés pour voir s'ils conservaient ces pièces, elles passaient pour ciselées» Escroc, Jean Dassier. «Une espèce de», plaisante Matteo Campagnolo.

Si on ajoute à cela une faculté certaine à réinterpréter ses modèles pour les rendre plus commerciaux, on comprendra plus facilement le succès remporté par le médailleur genevois. Ainsi cette médaille à l'effigie de Théodore de Bèze, où le réformateur «ressemble à un acteur américain, avec un chapeau magnifique, tandis que sur le modèle, il est extrêmement sévère», selon le commissaire. Le portrait, qu'il s'agisse de peinture, de photo ou de médaille, n'a jamais été un art innocent...

A noter que le Britannique William Eisler publiera prochainement la toute première monographie consacrée à Jean Dassier.

Bernard Léchot

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