Inaugurée en décembre 2002, la nouvelle jetée de Kloten - le fameux dock E - accueille depuis lundi ses premiers passagers. Enfin.

Les dirigeants de l’aéroport admettent aujourd’hui que l’évolution du trafic aérien a rendu le projet «trop ambitieux».

C’est le bâtiment le plus cher jamais construit en Suisse: sans les infrastructures attenantes, le dock E, troisième jetée de l’aéroport, aura coûté 332 millions de francs suisses. L’élégant bâtiment, long de 480 mètres, a été dessiné par le bureau d’architectes Martin Spühler.

La cinquième étape de l’agrandissement de l’aéroport est devisée au total à 2,268 milliards de francs, investis par Unique, l’ancien SAirGroup et les CFF. Les Zurichois avaient accepté en 1995 un crédit cantonal de quelque 800 millions de francs.

Au total, le projet comprend notamment un métro souterrain de 1,2 kilomètre de long pouvant accueillir près de deux cents voyageurs, le «Skymetro», une nouvelle installation de tri des bagages et une nouvelle aile, Airside center, avec restaurants et magasins, qui sera prête fin 2004.

Une époque de croissance

Décidé au début des années 90, l’agrandissement correspondait à la croissance continue du trafic aérien, mais aussi de la compagnie nationale Swissair.

Entre-temps, l’aéronautique a subi plusieurs coups durs, avec les attentats du 11 septembre 2001 mais aussi l’épidémie de SRAS.

Pour Kloten, l’impossibilité à se mettre d’accord avec ses voisins allemands en ce qui concerne la répartition du bruit des avions a encore détérioré la situation.

Du coup, ces prochaines années, l’aéroport risque bien d’être non seulement plus grand, mais surtout plus vide qu’avant...

Vide depuis décembre 2002

L’ouverture de la nouvelle jetée, appelée d’abord Dock Midfield car elle est placée entre les pistes, puis dock E , plus pratique, avait d’ailleurs été repoussée pour des raisons économiques.

Inauguré en décembre 2002, le nouveau bâtiment est resté vide depuis, à l’exception de manifestations extraordinaires. En repoussant la mise en service, la société d’exploitation de l’aéroport, Unique, a, selon ses dires, pu économiser 10 millions de francs.

Des «sentiments partagés»

«Il est vrai que nous ouvrons le terminal avec des sentiments partagés, admet le directeur de l’aéroport Josef Felder», interrogé par swissinfo début août.

«D’un côté, nous sommes heureux de pouvoir proposer à nos clients une infrastructure moderne et novatrice, qui va instaurer de nouveaux standards dans ce domaine. Mais de l’autre, nous devons faire face à une baisse du nombre de passagers et cela rend la situation difficile.»

Novateur, l’infrastructure l’est en effet par ses baies vitrées à l’aspect futuriste, avec des façades doubles pour réduire l’utilisation de la climatisation, mais aussi par une installation d’énergie solaire et un collecteur d’eau de pluie pour les toilettes.

De telles infrastructures ont un coût élevé. L’exploitation est estimée à 62 millions de francs par année.

Une surcapacité à corriger

Avec le dock E, l’aéroport pourrait accueillir entre 30 et 40 millions de passagers par année. En 2002, le bilan avait cependant diminué à 18 millions (-14,6%) et la baisse devrait se poursuivre cette année, à 17 millions.

Pour éviter ou amoindrir cette surcapacité, Unique a décidé de fermer la plus grande partie du terminal B, à l’exception de la partie dévolue à Lufthansa, qui se trouve du coup très bien placée, le plus proche possible du centre de l’aéroport.

Le terminal B peut réouvrir à n’importe quel moment en cas de besoin, explique l’aéroport. Mais Josef Felder est catégorique: les coûts du bâtiment ne vont pas paralyser l’aéroport, dit-il, grâce à un programme de financement à long terme.

Des rachats d’obligations

«Le fait que nous ayons choisi la voie du long terme lorsqu’il s’est agi de rassembler des fonds nous aide certainement à mieux dormir la nuit», dit Josef Felder. «Précisément maintenant, il est important que nous n’ayons pas de lourdes dettes.»

Unique a en effet décidé de renflouer ses caisses en prélevant 1,2 milliard de francs lors de trois opérations de rachat d’obligations pour refinancer ses capitaux étrangers. L’aéroport a en outre retiré 400 millions de la location de ses parkings.

Une reprise attendue

Le directeur ajoute que le remboursement ne sera pas un problème à long terme, car il pense que l’aéronautique se remettra de sa crise actuelle.

«La mobilité est quelque chose d’important pour les habitants de cette planète et les Suisses en particulier dépendent beaucoup de leurs activités à l’étranger. Je suis sûr que nous allons rattraper notre retard et retrouver une progression du nombre de passagers.»

L’aéroport a intensifié ses efforts pour attirer de nouvelles compagnies sur son tarmac et pour encourager celles qui sont déjà présentes à augmenter la fréquence de leurs vols.

De nouvelles compagnies

Et avec succès: Air Berlin, la grecque Hellas, l’autrichienne Styrian Spirit ont intégré Zurich dans leur réseau. Scandinavian Airlines a de son côté décidé de faire renaître la ligne Zurich-Oslo.

Il n’empêche: Swiss, qui représente quelque 60% des mouvements d’avions à Zurich, a décidé fin juin de supprimer 22 destinations au départ de Kloten.

Seule une petite partie de ces lignes seront reprises par d’autres compagnies lors de l’entrée en vigueur de l’horaire d’hiver fin octobre. Globalement, l’aéroport prévoit qu’il perdra entre 5 et 12% de ses destinations.

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Une augmentation des taxes

Autre difficulté: l’augmentation des taxes d’aéroport décidée par la direction fera de Kloten une des plates-formes les plus chères d’Europe.

Avec la mise en service de la nouvelle jetée, les passagers en partance devront s’acquitter de 36 francs au lieu de 24,50 jusqu’ici, ce qui représente une augmentation de presque 50%.

Ayant construit le nouveau terminal trop tard pour bénéficier du dernier boom de l’aviation, les dirigeants de Unique doivent maintenant attendre pour savoir s’ils ont prématurément parié sur la prochaine reprise...

swissinfo, Mark Ledsom, Zurich
(Adaptation: Ariane Gigon Bormann)

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