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Un «songe» pour enterrer deux écoles d'Art

Détail de l'affiche des manifestations de clôture. maisonsmainou.ch

Anne-Marie Delbart, directrice sortante de l'Ecole supérieure d'art dramatique de Genève (ESAD), livre son dernier spectacle et ses impressions sur la fin d’une époque.

Ce contenu a été publié le 15 juin 2004

Les deux écoles d'art dramatique de Genève et de Lausanne ferment définitivement leurs portes en juillet. Elles sont déjà remplacées depuis septembre 2003 par la Manufacture.

Pour son dernier spectacle avec ses élèves-acteurs de l'ESAD, Anne-Marie Delbart a vu grand. La directrice tire sa révérence. La vénérable institution qu'elle mène de main de maître depuis 3 ans ferme ses portes.

Parallèlement, la Section professionnelle d'art dramatique de Lausanne (SPAD) ferme elle aussi ses portes. Les deux écoles viennent donc d’organiser une semaine de festivités, à l’enseigne de «Bonjour l’acteur!»

Et cette fermeture, Delbart a voulu la vivre de façon quelque peu démesurée, à la manière d'un Strindberg dont elle monte précisément «Le Songe».

Cette pièce poétique, surréaliste, débridée, rend hommage à la beauté et à la liberté et rassemble, à partir du 15 juin, sur la scène du Théâtre Am Stram Gram, 31 acteurs.

Pour oublier l’amertume

Jeunes ou d'un âge mûr, ces derniers ont, depuis trente ans, marqué de leur talent et de leurs élans la vie de l'ESAD. Quoi de mieux donc qu'un «Songe» pour oublier son amertume?

Oui, Anne-Marie Delbart est amère ou plutôt en colère. Elle «enterre» l'ESAD. Comme d'ailleurs son homologue lausannois Michel Toman, directeur de la SPAD, obligé lui aussi de remettre les clés de son école.

A partir de juillet, l'ESAD et la SPAD n'existeront donc plus. Comme on le sait, une seule institution les remplace: la Haute Ecole de Théâtre de Suisse romande, autrement appelée la Manufacture.

Sise à Renens, près de Lausanne, elle est dirigée par le Belge Yves Beaunesne. Elle a ouvert ses portes en septembre 2003.

Pourquoi changer une équipe qui gagne? Anne-Marie Delbart n'arrête pas de se poser cette question à laquelle elle ne trouve qu'une seule réponse: parce que c'est la raison politique qui l'emporte toujours sur la raison artistique.

Des critères politiques et économiques

«Ce sont des critères budgétaires qui ont présidé à la création de la Manufacture», regrette la directrice sortante.

«La nouvelle école autorise un type de financement moins coûteux pour Genève et Lausanne, car ce sont aujourd'hui tous les cantons romands qui subventionnent la Manufacture. Chaque canton paye son écot».

Et d'ajouter: «En faisant ce calcul froid, les responsables politiques ont oublié une chose très importante: l'exiguïté du marché suisse et sa capacité, réduite, à absorber un grand nombre de comédiens».

Selon Delbart, seulement 4 acteurs sortaient chaque année de l'ESAD, et un peu plus de la SPAD. Or, on prévoit pour la nouvelle école une promotion d'une trentaine d'élèves tous les deux ans.

«C'est énorme! J'ai bien peur que l’on soit obligé, pour justifier l'existence de la Manufacture, d'admettre un nombre trop élevé de postulants chaque année», poursuit la directrice sortante.

«Si c'est le cas, dit-elle, l'admission se fera au détriment de la qualité, car alors les critères de sélection ne seront pas assez pointus».

Les talents s’en vont ailleurs

Anne-Marie Delbart ne met pas, pour autant, en cause les enseignants de la nouvelle école. Elle montre du doigt les responsables politiques.

Elle déplore le fait que son prédécesseur Claude Stratz «n'ait jamais été consulté par Martine Brunschwig-Graf, Conseillère d'Etat en charge de la culture au moment où la décision de créer la Manufacture a été prise. Ses conseils auraient été précieux.».

Claude Stratz, metteur en scène romand, ancien directeur de l'ESAD, est aujourd'hui à la tête du prestigieux Conservatoire d'Art dramatique de Paris.

Mais Brunschwig Graf a préféré ignorer ses conseils. «C'est comme ça ici, poursuit Anne-Marie Delbart. On ne sait pas profiter des talents artistiques suisses, on les laisse toujours filer ailleurs».

swissinfo, Ghania Adamo

Faits

«Le Songe», précédé de «Coram Populo» deux pièces d'August Strindberg, par les élèves de l'ESAD. Mise en scène d'Anne-Marie Delbart et Armen Godel. Théâtre Am Stram Gram, 56 Route de Frontenex, Genève. Du 15 au 19 juin, dès 19h30. Tel: 076 494 52 16

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