Swissquote tire son épingle du jeu malgré la crise
Le pire devrait être passé pour ceux qui investissent en bourse, affirme Mark Bürki, patron de Swissquote. La plus importante banque suisse online ne ressent pas outre mesure les effets de la crise. Au contraire, les clients continuent à affluer en grand nombre.
L'année 2008 n'a certainement pas été l'année des grandes banques. Au cours des derniers mois, un grand nombre d'instituts financiers, UBS en tête, ont été confrontés à une véritable hémorragie de clients. Dans la plupart des cas toutefois, les capitaux retirés n'ont pas fini sous les matelas.
Beaucoup d'ex-clients des grandes banques suisses se sont repliés sur des établissements cantonaux ou ont préféré gérer eux-mêmes leur patrimoine comme en témoignent les résultats de Swissquote.
A fin 2008, cette plateforme qui permet d'effectuer des opérations boursières en ligne comptait près de 120'000 clients soit 29'000 de plus qu'en 2007. Un succès dû à «un choix générationnel» affirme Mark Bürki.
swissinfo: Depuis quelques semaines, la bourse donne des signes de reprise. Le pire est-il passé?
Mark Bürki: Certainement. A partir du 1er avril, nous avons constaté une nette reprise et, en termes de valorisation, je doute que nous retrouvions les niveaux enregistrés en février. La bourse anticipe bien évidemment ce qui se passera plus tard en ce qui concerne l'économie réelle. Nous entrevoyons donc la fin du tunnel.
swissinfo: Apparemment, les Suisses n'ont pas cédé à la panique ces derniers mois et n'ont pas tourné le dos à la bourse. Est-ce bien le cas?
M.B: Effectivement, il n'y a pas eu de réactions de panique avec des personnes qui ont tout vendu. C'est un aspect positif à relever qui dénote un certain professionnalisme du marché suisse.
Bien sûr, l'activité a été moins intense étant donné qu'à un certain moment, il était difficile de prendre des décisions en matière d'investissement. La plupart des gens ont attendu pour voir comment la situation allait évoluer.
swissinfo: On dit souvent que les Suisses aiment jouer à la bourse. S'agit-il d'un cliché ou d'un fait avéré?
M.B: C'est la réalité. Proportionnellement à la population, la Suisse a compté environ 20% d'actionnaires ces dernières années. C'est le double des proportions enregistrées en France ou en Allemagne. La Suisse est un pays qui aime investir.
swissinfo: La crise s'est en fin de compte révélée positive pour votre société puisque vous avez accueilli près de 29'000 nouveaux clients en 2008. Est-ce que les gens n'ont plus confiance dans les banques traditionnelles?
M.B: C'est vrai que la confiance s'est un peu émoussée. Il s'agit toutefois avant tout d'une tendance de fond, due au choix d'une génération.
Bien des personnes actives professionnellement ne veulent pas confier la gestion de leur fortune à des tiers. J'ai rencontré un jour un client qui m'a dit: «Trois choses sont importantes dans ma vie: ma famille, la santé et l'argent, et je ne déléguerai jamais leur sort au premier venu.»
La crise a peut-être agi comme un accélérateur mais cette tendance de fond était déjà bien ancrée.
swissinfo: Comment décririez-vous vos clients?
M.B: Nous en avons de tous les types. Du passionné qui connaît tous les rouages à l'investisseur occasionnel. Ces clients sont les plus difficiles à traiter, car ils se rendent rapidement compte qu'investir en bourse est un métier, que ce n'est pas aussi simple que cela.
swissinfo: Quel est le profil-type?
M.B: Nous avons surtout à faire à des personnes âgées de 35 à 45 ans et principalement de sexe masculin. En fait, huit de nos clients sur dix sont des hommes. Il semble bien qu'en Suisse, la gestion patrimoniale soit encore une affaire d'hommes. Nous avons aussi constaté une hausse dans la catégorie des 65 ans environ. Il s'agit de retraités qui jouent en bourse un peu par hobby.
Depuis quelque temps, nous remarquons aussi que le trou que nous avions dans la catégorie des 45 à 65 ans est lentement en train de se combler.
Le dépôt moyen est de 50'000 francs et les transactions touchent les 10'000 francs.
swissinfo: Et quels sont les rendements?
M.B: Si nous tenons compte de tous nos clients, les prestations sont meilleures que celles obtenues sur le marché. Les résultats sont légèrement supérieurs à ceux du Swiss Market Index (SMI) et de Swiss Performance Index.
Naturellement, il existe de grandes différences d'un client à l'autre. Certains gagnent beaucoup, d'autres perdent plus encore.
swissinfo: Depuis que la crise a éclaté, avez-vous constaté un changement dans le comportement de vos investisseurs? Sont-ils davantage en quête de sécurité?
M.B: Nous nous sommes aperçus que certains produits sont devenus plus attractifs. Par exemple, durant la seconde moitié de 2008, nous avons enregistré une forte hausse sur le trading des obligations. La méfiance a été telle que même les obligations des meilleures sociétés étaient cédées à bas prix.
En ce qui concerne les produits structurés, il y a eu une chute après la faillite de la société Lehmann Brothers mais, aujourd'hui, le marché est en train de retrouver une certaine stabilité.
swissinfo: La forte hausse de clients ne s'est pas traduite par une augmentation comparable du chiffre d'affaires et du bénéfice. Comment l'expliquez-vous?
M.B: Il faut distinguer entre deux facteurs, un à long et l'autre à court terme. Celui à long terme est constitué par le nombre de clients. S'ils sont plus nombreux, le chiffre d'affaires et les bénéfices doivent augmenter.
A court terme toutefois, ce qui compte davantage est le nombre de transactions que chaque client réalise. Durant le premier semestre de cette année, par exemple, nous avons enregistré une moyenne sur une base annuelle de 15 opérations alors que normalement elle se situe entre 15 et 30 mouvements. Ceci s'est traduit par une baisse du chiffre d'affaires par rapport aux trois premiers mois de 2008.
swissinfo: Quels sont vos objectifs pour 2009?
M.B: Nous nous sommes fixé de décrocher 25'000 nouveaux clients et nous sommes sur la bonne voie pour y parvenir. Nous pensons recueillir environ un milliard de francs.
De nombreux clients n'ont pas envie de contrôler, jour après jour, leur situation patrimoniale et ils souhaiteraient donc disposer de moyens pour savoir quand contrôler et prendre une décision. A l'avenir, notre but sera de développer des instruments toujours plus efficaces pour aider nos clients dans leurs investissements.
Daniele Mariani, swissinfo.ch
(Traduction de l'italien: Gemma d'Urso)
Swissquote en chiffres
A fin mars, la principale banque online comptait 125'486 clients dont près de 3335 possédant uniquement un compte-épargne. En une année, la hausse a été de 28,4%.
Le capital sous gestion s'élevait à 4,6 milliards de francs soit 13,3% de moins qu'en mars 2008.
A fin 2008, la banque occupait 236 personnes dans ses sièges de Gland (Vaud) et Zurich.
L'année dernière, son chiffre d'affaires a été de 111,7 millions de francs soit 0,7% de plus qu'en 2007. Son bénéfice net a atteint 32,8 millions de francs (-5%).
Les gains de la société dérivent principalement des commissions qu'elle perçoit sur chaque transaction d'achat et vente effectuée par les clients.
Le SMI au plus bas
Le Swiss Market Index (SMI) soit le principal index de la Bourse suisse est descendu au-dessous des 4500 points au début mars.
A la mi-2007, le SMI avait touché le seuil des 10'000 points.
Pour retrouver le niveau de mars dernier, il faut remonter à 2003 lorsque l'index avait chuté au-dessous de 4000 points.

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