Sommet et Forum «Genève 2000»: la Suisse joue la carte du dialogue
Quand l´idée prit forme à l´ONU de convoquer une conférence sur le suivi du Sommet social de Copenhague, la Suisse se dit alors: «Pourquoi pas à Genève?» Fin avril 1998, le Conseil fédéral en fit la proposition à New York. Qui reprit la balle au bond.
Berne avait une excellente raison de proposer ce déménagement temporaire, le second dans l'histoire de l'Assemblée générale des Nations unies, après la mémorable session extraordinaire de décembre 1988 sur la question palestinienne qui, à Genève déjà, avait permis à Yasser Arafat d'y prendre la parole.
S'agissant du suivi du Sommet mondial de 1995 sur le développement social, la Suisse estimait qu'une convocation à Genève permettrait de tirer un «profit optimal» de la présence des institutions intergouvernementales qui y sont installées, en particulier le Bureau international du Travail (BIT) et l'Organisation mondiale du commerce (OMC), directement concernées par les questions du développement social, de l'élimination de la pauvreté, de la promotion du plein emploi et des conséquences de la globalisation de l'économie.
Le gouvernement suisse va plus loin. Il pense au long terme et n'offre pas seulement un espace de discussion. Partant du principe que les problèmes internationaux requièrent des solutions internationales, il propose ce qu'il appelle une «initiative multilatérale». En clair, il s'agirait pour les grandes institutions mondiales de se donner enfin un moyen de «dépasser les méfiances mutuelles» et de mieux se coordonner dans les domaines qui sont au cœur du débat social. Berne attend une réponse claire à cette proposition.
Il importe aussi de créer les conditions d'un vrai dialogue entre les représentants des gouvernements et ceux de la société civile, et, à l'intérieur de celle-ci, entre militants d'ONG, syndicalistes, chefs d'entreprises, chercheurs et autres. «Geneva 2000», le Forum que la Suisse a mis en place à deux pas du siège européen de l'ONU, a précisément pour ambition de permettre à tous les acteurs du développement social de débattre de nouvelles formes de collaboration et de renforcer leurs synergies plutôt que d'oeuvrer chacun dans son coin.
Pendant trois jours, un important symposium réunissant d'éminentes personnalités du monde international débattra lui aussi des grands thèmes de l'actualité sociale: droit à un travail décent, développement durable, économie à visage humain, partage des responsabilités. C'est l'ancien premier ministre néerlandais Ruud Lubbers qui le présidera et pourra personnellement en rendre compte devant l'Assemblée générale de l'ONU.
La Suisse a donc décidé de jouer la carte du dialogue. Elle est bien consciente que le débat sur la mondialisation est en péril s'il ne peut s'exprimer que dans la rue, entre manifestants et policiers. Pas question, dit-on, de laisser aller ce débat à la polarisation, de le simplifier à l'extrême ou de l'abandonner. L'enjeu est tel qu'il faut offrir à tous et à chacun la chance de s'exprimer. On comprend mieux pourquoi la Suisse officielle redoute, sans franchement l'avouer, que son pari soit remis en question par ceux qui veulent faire entendre leur voix autrement et ailleurs que dans le cadre qu'elle a imaginé.
Bernard Weissbrodt

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