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Le «Brexit» effraie les entreprises suisses

Londres reste la place financière la plus puissante d'Europe. Keystone

Le Royaume-Uni revêt une importance particulière pour les firmes helvétiques, qui y ont investi 80 milliards de francs et y emploient 194'000 personnes. Mais la potentielle sortie du pays de l’Union européenne remet en question cette relation.

Ce contenu a été publié le 01 avril 2016
swissinfo.ch

La British-Swiss Chamber of Commerce (BSCC) vient de mener une étude sur ce que les entreprises britanniques et suisses pensent d’un retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. La moitié des 185 firmes interrogées – originaires des deux pays – estiment que les perspectives économiques s’assombriraient, 13,5% d’entre elles pensent que la conjoncture s’améliorerait et un peu plus d’un tiers estiment que leurs affaires ne seraient simplement pas affectées. La population britannique se prononcera sur le sujet le 23 juin prochain. 

Les commentaires anonymes inclus dans l’étude (voir infobox) mettent en lumière la confusion qui règne autour d’une potentielle séparation. Les sociétés des deux pays sont toujours en train d’analyser comment les choses se dérouleraient si les Britanniques quittaient l’Union et suivaient le modèle suisse. 

Commentaires tirés de l’étude 

«Nous allons devoir clarifier notre manière de rentrer dans l’Union européenne via Londres lors du processus de renégociation. Il n’y aura pas de changements lors des deux prochaines années, mais de l’incertitude et de l’instabilité vont planer sur les marchés. D’autres villes pourraient ainsi devenir des bases plus intéressantes. Mais quitter Londres à court terme sera difficile.» 

«Mon entreprise est une SARL suisse, j’imagine que mes activités ne seront pas directement affectées si le Royaume-Uni quitte l’Union européenne.» 

«Je gère une SARL suisse en tant que ‘frontalier’. Il est bien possible que je ne puisse plus mener une telle opération une fois que le Royaume-Uni quitte l’UE – mes déplacements entre les deux pays ont été rendus possibles grâce aux accords de libre circulation de 2004. Je vais devoir mettre la clé sous la porte. Cela ne profitera à personne. Je ne vais déjà pas faire d’investissement supplémentaire jusqu’au référendum. Bref, quitter l’UE sera surtout mauvais pour les petites entreprises britanniques.» 

«Mon entreprise travaille surtout avec le Royaume-Uni et je suis très inquiet des conséquences à court, moyen et long terme de ce vote, indique une autre compagnie. Je crains qu’un retrait de l’UE présente des défis insurmontables, et que le Royaume-Uniperde son attrait pour les entreprises.»

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En Suisse, les chefs d’entreprises refusent de s’exprimer sur le sujet par peur de se faire accuser d’interférence politique, de fâcher des actionnaires ou simplement par méconnaissance des scénarios envisageables en cas de rupture. 

Doutes sur l’avenir 

Les quelques dirigeants qui se sont prononcés sur la question présentent néanmoins des opinions divergentes. «Chaque entreprise va devoir réévaluer les implications d’investir au Royaume-Uni», a expliqué Peter Brabeck, le président de Nestlé, à la chaîne Sky News en janvier. 

Mais Sergio Ermotti, le CEO d’UBS, dont la banque emploie 5500 personnes à Londres, se veut légèrement plus optimiste: «Je pense que nous allons y garder une forte présence, mais cela va dépendre de toute une série de facteurs qui ne sont pas clairs aujourd’hui», a-t-il dit au journal allemand «Süddeutsche Zeitung» en mars. 

Cela prendra deux ans au Royaume-Uni de s’extraire de l’Union européenne. Il faudra ensuite que le pays renégocie ses accords et redéfinisse ses relations avec l’UE et le reste du monde. Des discussions qui suscitent de nombreuses interrogations concernant le futur paysage de l’économie britannique. 

Impact sur le franc 

Les positions contrastées des différents lobbys helvétiques reflètent ces doutes. «Il n’y aura pas de choc soudain ou de catastrophe si le Royaume-Uni quitte l’Union européenne, a expliqué Jan Atteslander, d’economiesuisse, lors d’un entretien avec swissinfo.ch. Le monde sera le même le 24 juin prochain. La seule différence sera l’incertitude qui règnera sur la future intégration économique du Royaume-Uni en Europe.» 

En outre, Jan Atteslander estime que les taux de change ont déjà assimilé un potentiel «Brexit». Autrement dit, les spéculateurs ont déjà protégé leurs investissements en cas d’un retrait du Royaume-Uni. La livre et l’euro ne devraient ainsi pas couler trop drastiquement par rapport au franc, à moins d’un nouvel événement inattendu. 

Malgré tout, Jan Atteslander estime que les firmes prennent en compte l’incertitude économique au Royaume-Uni au moment d’investir plus d’argent dans le pays. 

Swissmem, l’association qui représente l’industrie des machines, des équipements électriques et des métaux, adopte une position bien plus pessimiste. Ses membres exportent 4% de leurs produits vers l’Angleterre. 

L’UE affaiblie

«A court terme, le Brexit pourrait augmenter l’incertitude au sein de l’Union européenne, a expliqué Swissmem par écrit à swissinfo.ch. Cela pourrait avoir un impact sur le taux de change entre le franc et l’euro. Nous devrions assumer une pression supplémentaire sur le franc fort, ce qui aurait des conséquences néfastes pour l’industrie d’exportation.» 

A long terme, le «Brexit» devrait affaiblir l’Union européenne économiquement, selon Swissmem. Ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour les firmes helvétiques. 

Switzerland Global Enterprise (s-ge), une agence qui facilite le travail à l’étranger pour les firmes suisses, a expliqué à swissinfo.ch que les compagnies qu’elle conseille «dans la plupart des cas ne prévoient pas de réviser leur stratégie ou ne réagiront pas jusqu’à ce que la situation devienne plus prévisible.»

Le commerce entre la Suisse et le Royaume-Uni 

En 2015, les firmes helvétiques ont exporté des biens pour une valeur de 11,7 milliards de francs et importé 6,6 milliards de francs de produits britanniques - sans inclure les bijoux et les métaux précieux. Ce qui fait du Royaume-Uni le cinquième récepteur le plus important de produits helvétiques, et le huitième plus grand importateur en Suisse. 

En incluant les métaux et la joaillerie, le Royaume-Uni est le second importateur le plus important en Suisse. 

Les investissements suisses au Royaume-Uni sont encore plus impressionnants. Avec 87,7 milliards de francs en 2013, le Royaume-Uni est le troisième récepteur d’investissements helvétiques. Fin 2013, les firmes helvétiques employaient 193'700 personnes au Royaume-Uni – soit la quatrième plus grande concentration d’emplois suisses à l’étranger. 

Fin 2013, les firmes britanniques ont investi et accumulé 21,3 milliards de francs en Suisse, menant à la création de 26'000 emplois. HSBC, Vodafone, BP et Unilever disposent de la plus forte présence en Suisse de toutes les firmes britanniques, selon le Secrétariat d’Etat à l’Economie (SECO).

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