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Querelle sur le mythique «Cours des choses»

Dans le film, l'agencement des "choses" avait fait sensation. tcfilm.ch

Des Zurichois se mobilisent avant la vente aux enchères, le 1er décembre, du «Cours des choses», l'œuvre de Fischli & Weiss. Pour eux, l'œuvre «appartient» à Zurich. Le revendeur ne voit pas pourquoi...

Ce contenu a été publié le 01 décembre 2008

Dans les milieux feutrés des enchères et des collections artistiques, une querelle ne peut être que discrète. Certains interlocuteurs, tels les représentants du Kunsthaus de Zurich, préfèrent donc ne rien dire. D'autres en revanche sortent ce qu'ils ont sur le cœur.

Pourquoi tant d'émotions? Parce que 21 ans après sa création, la réaction en chaîne «Der Lauf der Dinge» («Le cours des choses») de Peter Fischli et David Weiss a repris du service, provoquant à nouveau toutes sortes de réactions. C'est sa mise aux enchères, le 1er décembre, par Christie's, qui échauffe les esprits.

Zurich, charmée, nostalgique, s'est replongé dans le souvenir de ces objets et matériaux les plus divers (sacs-poubelles, pneus, fumée, eau, feu, boîtes de conserve, tonneaux, souliers marchant tout seuls...) se mouvant et se poussant dans un enchaînement aussi surprenant que poétique.

Un contrat

Créé entre 1986 et 1987, objet d'un film de 30 minutes qui a fait sensation à la Documenta de Kassel en 1987 et qui se vend toujours sous forme de DVD, «Le cours des choses» a laissé une quarantaine d'objets-sculptures ou de flacons hétéroclites. Fischli et Weiss les ont placés dans un meuble-vitrine, selon un schéma très précis.

En 1987, la vitrine a pris place à Laufon, chez le collectionneur Alfred Richterich, un des fils du fondateur de Ricola. Intervenant à la fin de la réalisation du «Cours des choses», il l'avait reçue comme contrepartie pour son engagement de sponsor, un engagement que lui-même qualifie de faible. «La cession des objets et ma participation financière ont été prévus par contrat», indique le Bâlois.

C'est le meuble et son contenu, avec la pellicule 16 mm du film, qu'Alfred Richterich a décidé de vendre. Le gain (on parle de 900'000 à 1,5 million de francs) ira à sa fondation, qui finance des projets et des initiatives artistiques, caritatives et environnementales.

Offres du Kunsthaus de Zurich

Alors que les artistes «n'avaient pas prévu cela», dit sobrement le responsable des ventes suisses de Christie's Hans-Peter Keller, l'éditeur, écrivain et satiriste zurichois Patrick Frey, proche de Fischli & Weiss et du «Cours des choses» dont il avait tourné un «making of», ne cache pas sa désapprobation.

«Il aurait été normal et juste que le collectionneur s'adresse directement au Kunsthaus, qui lui a fait des propositions à des prix «normaux.» De plus, Monsieur Richterich avait reçu la vitrine en cadeau. On ne revend pas un cadeau, ça ne se fait pas», dit Patrick Frey, concluant sa phrase en français.

«Non-sens», lâche Alfred Richterich quand on lui parle de «cadeau». «C'était une contrepartie, comme cela arrive souvent avec des œuvres d'art. De toute façon, pour moi, cela n'est absolument pas une question d'argent. Le gain ne me revient pas mais ira à la fondation», se défend-il.

Plutôt Londres, Paris ou New York

Alfred Richterich confirme avoir reçu des propositions du Kunsthaus. «On m'a demandé d'interrompre tout le processus déjà bien engagé avec Christie's. Mais pourquoi choisirais-je Zurich, qui ne s'est jamais préoccupé de l'œuvre en 20 ans, plutôt que Bâle, Londres, New York ou le Centre Pompidou, qui m'a aussi contacté? Ce n'est pas à moi de trancher.»

Contacté, le Kunsthaus répond, par la voix de son porte-parole, «préférer la discrétion et la confidentialité concernant les discussions avec des collectionneurs, concernant nos propres intentions ou des négociations en cours». Pas de commentaire, donc.

S'il a décidé de ne pas garder «Le cours des choses», c'est aussi, dit Alfred Richterich, que l'œuvre tranche dans sa propre collection, «plus méditative, volontairement discrète, alors que le «Cours des choses» est si populaire qu'il mérite un public venant en masses la voir. «Je ne vois d'ailleurs pas de masses à Zurich...», regrette-t-il.

Barrer la route aux Américains

Patrick Frey n'évoque pas des foules pour parler de mobilisation, mais il sait que «quelques personnes sont en train de se rassembler pour empêcher, par exemple, un musée américain d'empocher la mise, confie-t-il. Beaucoup de gens ici se souviennent de l'époque de la création et veulent que l'œuvre reste à Zurich.»

Alfred Richterich hausse les épaules: «Je ne comprends pas cette sorte de chauvinisme chez des personnes qui ont tout fait pour être reconnues sur le plan international...»

swissinfo, Ariane Gigon, Zurich

La vente

La vente du «Cours des choses» prend place dans la vente suisse de Christie's le 1er décembre à Zurich.

D'autres oeuvres du duo zurichois sont proposées, deux «Sans titre» de la série des Aéroports, mais aussi des dessins au néocolor de David Weiss ou encore des photos avec Willy Spiller.

Une des surprises viendra aussi de la première présentation d'une «Maternité» de Giovanni Giacometti (1908) inconnue jusqu'ici.

La vitrine «Le cours des choses est exposée chez Christie's, à Zurich, durant les heures du bureau, jusqu'au 25 novembre, puis les 28, 29 et 30 novembre au Kunsthaus de Zurich, où aura lieu la vente suisse à partir de 18 heures.

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PETER FISCHLI ET DAVID WEISS

Peter Fischli est né en 1952 et David Weiss en 1946 à Zurich. Ils ont commencé à travailler ensemble en 1979, en réalisant la «Série de saucisses».

En 2003, ils ont reçu le Lion d'or de la meilleure œuvre de la Biennale de Venise et, en 2006, le prix Roswitha Haftmann, le plus richement doté en Europe.

Trois de leurs films sont distribués sur DVD, «Der Lauf der Dinge» («Le cours des choses»), «Der geringste Widerstand» («La plus faible résistance») (1981) et «Der rechte Weg» («Le droit chemin») (1983).

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ALFRED RICHTERICH

Alfred Richterich est un des fils d'Emile Richterich, fondateur de la marque Ricola. En 1986, déjà producteur de cinéma, il avait été approché par Pio Corradi, le caméraman de Fischli et Weiss, avec qui il avait déjà travaillé pour «L'Ame sœur» de Fredi Murer. Il s'agissait de participer au financement du «Cours des choses».

«Je ne suis intervenu qu'à la fin du processus créatif, raconte Alfred Richerich. Mon soutien est devenu urgent lorsque les artistes ont décidé d'ajouter 10 minutes aux 20 qu'ils avaient déjà parce qu'ils étaient invités à la Documenta et qu'ils avaient encore beaucoup d'idées.

Alfred Richterich, déjà promoteur des arts avec la fondation de ses parents, a créé sa propre fondation en 1990. Elle soutient des projets culturels et artistiques (le financement du catalogue du festival du film documentaire de Nyon par exemple), caritatifs et environnementaux (soutien à Greenpeace, au WWF, aux projets du col de la Furka).

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