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Jean-Pascal Delamuraz, dix ans déjà

Déjà atteint dans sa santé, Jean-Pascal Delamuraz quitte ses fonctions le 11 mars 1998 devant le Parlement et sous les applaudissements de ses collègues Flavio Cotti, Adolf Ogi et Ruth Dreiffuss. Keystone

Il y a dix ans, Jean-Pascal Delamuraz disparaissait à l'âge de 62 ans. Les propos du Conseiller fédéral (ministre) vaudois face au Congrès juif mondial, où il avait parlé de «chantage» et de «rançon», avaient peu avant failli lui coûter son poste. Souvenirs.

Ce contenu a été publié le 09 octobre 2008 - 16:48

JPD, trois lettres gravées dans la mémoire collective suisse.... Véritable «bête politique» comme la Suisse en a peu connu ces dernières décennies, Jean-Pascal Delamuraz s'en est allé il y a 10 ans, un 4 octobre 1998, emporté par un mal foudroyant à la suite d'une courte hospitalisation à Lausanne.

Doté d'une intelligence brillante, chaleureux, fidèle en amitié et pétri d'humour, ce bon vivant qui a un peu brûlé la chandelle par les deux bouts a présidé à deux reprises la Confédération, en 1989 et 1996.

Violente tempête politique

Grand amateur de navigation, ce Vaudois né à Paudex, au bord du Léman, a dû affronter lors de sa seconde présidence une violente tempête politique en janvier 1997, suite à des propos tenus dans un quotidien suisse, alors que démarrait la polémique autour du comportement des banques suisses durant la Seconde guerre mondiale.

L'affaire des fonds en déshérence ou affaire des fonds juifs débute le 31 décembre 1996 par la publication d'une interview du président de la Confédération dans le quotidien vaudois 24 Heures: «Delamuraz souffle la tempête aux Etats-Unis » lance la Télévision romande, après que le correspondant outre-Atlantique eut sollicité la réaction du Congrès juif mondial sur les termes de «chantage» et de «rançon» utilisés par le président de la Confédération.

Manier la langue de bois n'était pas dans ses habitudes. Jean-Pascal Delamuraz réagit par ces termes à l'idée d'un fonds d'aide aux victimes des nazis soulevée par les milieux juifs américains et leurs avocats. On articule alors un montant de 250 millions de francs, qui sera bien en deçà de la réalité. Mais le président de la Confédération en fait une question de principe: «Un tel fonds serait considéré comme un aveu de culpabilité. Ca ne serait rien d'autre qu'une rançon et du chantage,» déclare le président de la Confédération, dénonçant «une formidable volonté politique de déstabilisation et de compromission de la Suisse».

Une caricature mal interprétée

A Jérusalem comme dans les milieux juifs américains, la réaction du président suisse soulevait la polémique. Parue dans le même quotidien vaudois quelques jours plus tard, une caricature de Jean-Pascal Delamuraz, dessiné avec le long appendice nasal qui était le sien et se prosternant face à un mur d'or, sera considérée par les médias israéliens et même par certains médias français comme un acte antisémite.

«Cela rappelle les «pires années brunes», écrit le rédacteur en chef du Nouvel Observateur, refusant d'admettre que le caricaturiste ne se moquait pas des juifs, mais du ministre.

Pressions politiques pour des démissions

Même tollé dans le monde politique suisse. Réuni d'urgence, le Parti socialiste suisse (PSS) vote quinze jours plus tard la démission de Jean-Pascal Delamuraz. Des pressions politiques qui rappellent à moindre échelle celles qui s'élèvent aujourd'hui pour réclamer la tête d'un Samuel Schmid (UDC, droite nationaliste) ou d'un Moritz Leuenberger (PSS). Ou celles qui ont conduit à la démission retentissante de la première conseillère fédérale (ministre) de l'histoire suisse, la Zurichoise Elizabeth Kopp, en 1988, pour avoir donné un malencontreux coup de fil à son mari, avocat d'affaires, sur une enquête le concernant.

Poussé au pied du mur, il faudra toute l'énergie du radical vaudois pour résister aux assauts: «La résolution des socialistes suisses met en cause ma volonté d'assumer pleinement les décisions du Conseil fédéral d'établir la vérité sur les comportements de la Suisse pendant la seconde guerre mondiale. Elle affaiblit le pays par l'exploitation politicienne de la situation».

Par gain de paix, le ministre adressera une forme d'excuses publiques au président du Congrès juif mondial, Edgar Bronfman, mais sans retirer ses propos: «Je regrette d'avoir blessé vos sentiments personnels et ceux de beaucoup d'autres personnes, en particulier au sein de la Communauté juive. Les informations sur lesquelles ont été faites mes déclarations concernant la constitution d'un fonds étaient imprécises».

Une autre résonance

Il faudra le versement en 1998 d'une somme globale de 1,25 milliard de dollars par les banques suisses à titre de dédommagement pour les fonds en déshérence des années 30 et 40 pour rétablir un climat plus serein. Et la publication du Rapport Bergier l'année suivante, tirant le bilan du comportement de la Suisse pendant les années de guerre, pour que s'apaisent les remous.

Avec le recul du temps et l'affectation peu transparente des fonds versés pas les banques suisses aux victimes de l'Holocauste, les propos d'un Jean-Pascal Delamuraz résonnent d'une autre façon et n'ont plus la même tournure antisémite.

Jusqu'à la fin, Jean-Pascal Delamuraz a proclamé haut et fort sa volonté de rechercher la vérité et son refus de l'antisémitisme.

swissinfo, Olivier Grivat

Un homme pétri d'humour

A des étrangers qui venaient d'obtenir le passeport à croix blanche, le syndic (maire) de Lausanne qu'il était à ses débuts et qui recevait tôt le matin ses nouveaux combourgeois, lance:
- Vous êtes devenus de vrais Suisses, vous vous levez tôt, mais vous vous réveillez tard!

A un parterre d'hommes d'affaires suisses et étrangers réunis dans une grande foire commerciale, le ministre de l'Economie qu'il est devenu, conte l'histoire du Suisse et du Japonais face au lion de la savane:
- En apercevant le roi des animaux, le Japonais s'accroupit pour lacer ses baskets au lieu de s'enfuir face au danger. Interloqué, le Suisse l'interpelle :
- Tu ne crois quand même pas que tu vas pouvoir courir plus vite que lui ?
- Non, mais plus vite que toi!, rétorque le Nippon.

Lors de sa visite officielle à Tokyo, il rapporte une blague japonaise:
- Quelle est la différence entre le Japon et Genève ?
- Le Japon a des Nippons. Genève n'a ni pont, ni tunnel...

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