Berlusconi: c'est lui et le chaos, selon la presse suisse
Après la démission du gouvernement, samedi, de cinq ministres du parti de Silvio Berlusconi, l’Italie plonge à nouveau dans l'instabilité. C’est le constat que fait la presse suisse qui s’interroge sur l’avenir de la Péninsule.
«La ‘folie’ de Berlusconi précipite l’Italie dans le chaos», titrait dimanche Il Caffè, hebdomadaire dominical publié au Tessin. Et ce en reprenant l’expression d’Enrico Letta, le chef du gouvernement qui a parlé de «geste fou» pour qualifier la démission des cinq ministres membres du Peuple de la Liberté (PDL) commandée par le Cavaliere.
Un constat repris ce lundi dans les quotidiens suisses. «Berlusconi plonge l’Italie dans le chaos», titre le journal vaudois 24 heures. Son confrère du canton de Berne, Der Bund, parle lui de «chaos organisé», tandis que Le Temps de Genève estime que «Silvio Berlusconi prend l’Italie en otage».
En demandant ces démissions, «le chef a une nouvelle fois montré la manière dont il considérait son parti: un instrument pour imposer ses intérêts personnels», analysent tant le quotidien zurichois Tages-Anzeiger que Der Bund. Les deux journaux pointent du doigt également la gauche: «Avec une obstination remarquable, les Machiavel de la gauche ont empêché la candidature de Matteo Renzi (maire de Florence), qui aurait peut-être pu remporter l'élection. Et avec tout autant d’arrogance, ils ont ignoré un nouveau pouvoir dans le pays, le Mouvement Cinq étoiles», de Beppe Grillo.
Pour analyser le geste du Cavaliere, le correspondant à Rome du Temps, Antonio Galofaro, cite l’ancien ambassadeur et historien Sergio Romano qui «peine à analyser le geste du chef du centre droit», qu’il juge «illogique et irrationnel». Pour de nouvelles élections, il faut que le président de la République dissolve les Chambres. Une option que Giorgio Napolitano envisage «s’il n’y a pas d’autres possibilités». Le Cavaliere perdrait alors son siège de sénateur, ce qu’il cherche à éviter, car il serait vulnérable. «Sans immunité, il pourrait être arrêté», explique Sergio Romano. Mais le président de la République, qui a rencontré dimanche soir Enrico Letta, doit d’abord examiner les façons de «maintenir la législature» actuelle.
Son confrère Eric Jozsef, dans le quotidien fribourgeois La Liberté, souligne, lui, que «l’initiative de Silvio Berlusconi risque de provoquer une scission dans son propre camp. Nombre de modérés de Forza Italia semblent sur le point de faire leur valise.»
Réaction des marchés
La Bourse de Milan - capitale financière de l’Italie - a ouvert en forte baisse en réaction à la nouvelle crise politique provoquée au cours du week-end par Silvio Berlusconi, qui menace la survie du gouvernement.
Vers 07H20 GMT, l'indice FTSE Mib reculait de 2,01% à 17.292 points. Les plus grands perdants étaient les valeurs bancaires qui affichaient des titres en chute jusqu'à 5%.
Unicredit reculait de 3,69% à 4,596 euros et Intesa Sanpaolo, qui a confirmé dans la nuit la démission de son patron, chutait de 4,36% à 1,512 euro. Seul Telecom Italia sortait du lot avec une hausse de 3,36% à 0,5995 euro.
Le Cavaliere a demandé samedi à ses ministres de se retirer du gouvernement, poussant le président du Conseil Enrico Letta à poser la question de confiance au Parlement mercredi 2 octobre.
L'issue de ce vote est "extrêmement difficile à prévoir" à ce stade, note Loredana Federico, économiste de la banque Unicredit, qui relève que le parti de M. Berlusconi pourrait d'ici là se scinder en deux.
«La situation reste très fluide et nous devons reconnaître que le risque d'élections anticipées n'est pas négligeable. Mais nous pensons qu'au final le pari de M. Berlusconi ne paiera pas», estime Matteo Cominetta de HSBC.
swissinfo.ch et les agences
End of insertionÉlections anticipées ?
Pour la Neue Zürcher Zeitung, de nouvelles élections sont désormais inévitables: la seule chose qui reste ouverte est la date. C'est précisément ce que cherchait Berlusconi, selon le Corriere del Ticino. «En retournant aux urnes, une option qui n’est pas dédaignée par Grillo, ni par les membres du Parti démocrate qui soutiennent Renzi, Berlusconi cherche à obtenir un vote massif qui peut le relégitimer comme leader politique aux yeux des Italiens, au-delà des condamnations et des jugements qu’il a subis», écrit le journal tessinois.
Pessimiste, La Regione Ticino titre son éditorial: «Retour à Salò», référence à l’éphémère république fasciste de Mussolini, instaurée après le débarquement allié en Italie en 1943. «Le Berlusconi condamné et expulsé du Sénat à la suite d'une loi votée par son propre parlement, va maintenant chercher refuge dans sa république de Salò, entouré par des soldats et des mercenaires excités par l'idée de mourir en tuant.»
Un scénario également évoqué par la NZZ, selon qui « le dernier acte de cet opéra bouffe mis en scène par Berlusconi est sans doute encore à venir.» La Regione Ticino, elle, estime que «sa fin est certaine, mais le doute plane sur qui gagnera la partie. Le dernier mot pourrait venir de l’extérieur.»
C’est ce que souligne 24 heures: «Si le gouvernement ne parvient pas à présenter d’ici au 15 octobre une loi de finance mettant de l’ordre dans ses comptes publics, l’Italie sera mise sous la tutelle de la troïka (FMI, Banque centrale européenne et Commission européenne). Comme la Grèce ou l’Irlande.»

En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Joignez-vous à la discussion