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Au Japon, un traité commercial ne suffit pas

Keystone

L'accord de libre-échange avec le Japon qui vient d'entrer en force devrait accroître les opportunités d'affaires des entreprises suisses. Mais pour les nouveaux entrants, il s'agit surtout d'amadouer ce marché très particulier.

Ce contenu a été publié le 06 octobre 2009 minutes

Le consommateur et la culture d'affaires japonais sont gage d'un commerce lucratif mais peuvent aussi être assimilés à un champ de mines pour l'Occidental peu avisé. Même des géants comme Nokia et Ikea ont trébuché après s'y être mal pris.

A Zurich, la société de conseils et de services commerciaux DKSH sait mieux que beaucoup ce qui doit ou ne doit pas se faire au Pays du soleil levant. Les prédécesseurs de l'actuelle firme y ont établi leurs racines il y a presque 150 ans.

«Contrairement à la croyance populaire, le marché japonais est très ouvert et réceptif, pour autant que vous en connaissiez les règles», explique Wolfgang Schanzenbach, président de DKSH Japon. Selon lui, les entreprises helvétiques ont un avantage réel par rapport à leurs concurrentes d'autres pays.

«Les valeurs attachées à la fabrication suisse que sont la fiabilité, la fidélisation et la qualité du service sont aussi intrinsèques des réalités japonaises. Certains fondamentaux passent facilement entre les deux pays», estime-t-il.

La «nominication»

Le mois dernier à Zurich, des entreprises participant à un séminaire sur les affaires au Japon ont eu droit à une mise en bouche avant de faire le pas. Les pièges à éviter sont entre autres celui d'ignorer l'étiquette japonaise. C'est la tentation aussi de contourner le personnel local ou de lésiner sur la présentation et le service après-vente.

Un exemple: Schindler a vu ses ventes chuter après la mort d'un adolescent dans un accident d'ascenseur en 2006. Il s'est avéré ensuite que la communication du spécialiste suisse du lift avait été défaillante.

«Maison de la promotion économique extérieure», l'Osec, qui organisait le séminaire de Zurich, conseille en outre aux sociétés d'analyser strictement le marché japonais, comparable à aucun autre dans le monde. Ce que Wolfgang Schanzenbach juge tout à fait approprié.

«Quoique vous ayez à offrir, vous trouverez toujours deux ou trois producteurs locaux. Le Japon est un marché hautement sophistiqué, il est nécessaire d'identifier une valeur ajoutée véritable pour y faire mouche avec un produit. Nombre d'entreprises sous-estiment ce fait.»

Une autre clé du Japon est la patience, qui se traduit par de nombreuses rencontres en tête à tête avec la clientèle. Ici, on place très haut l'idée de «nominication» - mot résultant de la combinaison de «communication» et du terme japonais «Nomimasu», utilisé pour faire référence au fait de boire (du thé plutôt que de l'alcool).

En clair, la «nominication» est l'art du réseautage social d'affaires destiné à bâtir la confiance avant de discuter dans le détail les deals envisagés. Un must.

Le libre-échange

Wolfgang Schanzenbach distille d'autres conseils. La présentation d'un produit au public doit être conçue avec beaucoup de soin, selon lui. Les Japonais adorent la nouveauté, mais ils doivent aussi se sentir personnellement reliés au produit qu'ils achètent.

«Une fois qu'ils ont trouvé une marque qui leur va, ils y sont très fidèles. Mais la loyauté se gagne par une recherche, une promotion et un marketing appropriés», explique Wolfgang Schanzenbach.

Les exportations vers le Japon ont connu un boum ces dernières années, ce qui fait penser que les entreprises suisses sont dans le juste. Avec l'accord de libre-échange signé en février puis entré en vigueur le 1er septembre, elles bénéficient dorénavant en plus de réductions de droits de douane et de réglementations plus avantageuses.

Aux yeux de Wolfgang Schanzenbach toutefois, ce traité a davantage des vertus symboliques que financières à court terme. Selon lui, de nombreux droits de douanes étaient déjà bas.

Qui plus est, les consommateurs japonais, malmenés par des années de difficultés économiques, commencent à changer d'habitudes. «Il y a une tendance à manger dehors pour moins cher et à dépenser moins pour les habits. Les consommateurs y regardent à deux fois avant de dépenser.»

La conséquence? «Les producteurs devront se montrer plus futés et trouver les bonnes manières de leur vendre leurs marques uniques et à forte valeur ajoutée.»

Matthew Allen, Tokyo, swissinfo.ch
(Traduction et adaptation de l'anglais: Pierre-François Besson)

Visite ministérielle

Une nombreuse délégation des milieux économiques suisses conduite par la ministre Doris Leuthard est actuellement au Japon.

Désireuse de voir les Japonais investir davantage en Suisse, la ministre a rappelé mardi à Tokyo le déséquilibre entre les deux pays en termes d'investissement direct.

Les investissements directs suisses sont responsables de 65'000 emplois au Japon, alors que ceux du Japon en Suisse n'ont créé que 4000 jobs.

Selon Doris Leuthard, l'accord de libre-échange en vigeur depuis septembre avec le Japon doit permettre à la place helvétique de devenir la référence européenne pour les entreprises japonaises.

Cet accord constitue, selon elle, un avantage décisif pour l'économie suisse. Mais pour en tirer parti au mieux, il faudra se profiler de façon plus affirmée.

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Repères

En 2008, les exportations suisses vers le Japon ont augmenté de 4,9%, totalisant plus de 7 milliards de francs.

Le Japon est le troisième partenaire commercial de la Suisse après l'Union européenne et les Etats-Unis.

La Suisse y exporte surtout des machines, des instruments techniques et de mesure, des produits chimiques et pharmaceutiques, et des biens de consommation comme les montres.

Les produits japonais exportés vers la Suisse pour 4,1 milliards de francs sont surtout des métaux précieux, des voitures, des biens électroniques et des machines. Ils ont affiché une progression de 18,2% en 2008.

Ces chiffres toutefois ne tiennent pas compte des produits japonais manufacturés en Europe.

Quelque 140 entreprises suisses sont directement présentes au Japon et une centaine de firmes japonaises travaillent en Suisse.

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