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Restitution des fonds de potentats: la Suisse se hâte lentement

Alexandrie en janvier 2011. Le président Moubarak est renversé. Keystone

L’arsenal législatif pour restituer les fortunes détournées par des dictateurs s’est encore renforcé cette année. Mais les procédures prennent toujours du temps, selon Roberto Balzaretti, le nouveau responsable du droit international public au ministère suisse des affaires étrangères.  

Ce contenu a été publié le 28 novembre 2016
swissinfo.ch

Au cours des 30 dernières années, la Suisse a remboursé près de 2 milliards de francs suisses détournés et déposés dans des banques helvétiques par des «personnes politiquement exposées» (PEP). «C'est beaucoup plus que tous les autres centres financiers du monde», assure Roberto Balzaretti, le nouveau chef de la directionLien externe du droit international public au ministère suisse des Affaires étrangères (DFAE).

Roberto Balzaretti Keystone

Depuis l'affaire Marcos (Philippines) en 1986, la liste des fonds illicites de potentats saisis dans les banques suisses, puis restitués aux pays concernés, a régulièrement augmenté. Ces restitutions incluent les fonds Montesinos (Pérou), Mobutu (ancien Zaïre), Dos Santos (Angola), Abacha (Nigéria), Salinas (Mexique), Duvalier (Haïti), Ben Ali (Tunisie), Moubarak (Égypte).

Un certain nombre de cas sont en cours de traitement. En décembre 2015, le tribunal fédéral a confirmé le blocage de 4,5 millions de francs placés dans une banque genevoise par un ancien ministre du dictateur haïtien déchu Jean-Claude «Baby Doc» Duvalier.

«Nous savons plus ou moins ce que Haïti veut faire avec cet argent, mais il n’a toujours pas été rendu. Non que nous ne voulions pas rembourser l'argent, mais parce que c'est difficile, compte tenu de la situation politique en Haïti, déclare Roberto Balzaretti. Il y a eu des catastrophes naturelles à répétition, des élections, un nouveau gouvernement ou un nouveau président. C'est assez compliqué. L'objectif du gouvernement suisse est de conclure le plus rapidement possible un accord de transfert de fonds. Nous avons besoin d’un cadre juridique, mais nous n'en sommes pas encore là.»

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Une page se tourne

La restitution de 321 millions de francs suisses siphonnés par la famille de l'ancien dictateur nigérian Sani Abacha et confisqués par la Suisse se poursuit également. La Suisse et le Nigeria ont signé une lettre d'intention pour une restitution rapide et équitable de l'argent.

«La situation est un peu comme en Haïti, mais plus avancée, car nous avons un accord avec le Nigéria avec une lettre d'intention sur les modalités de la restitution. Maintenant, nous devons nous mettre d'accord sur l’utilisation de l'argent et les mécanismes de suivi», déclare l'ambassadeur suisse.

Le gouvernement a également bloqué environ 570 millions de dollars dans le cas de l'Égypte, 60 millions de dollars dans le cas de la Tunisie et environ 70 millions de dollars qui concernent l'Ukraine. Les actifs tunisiens resteront gelés jusqu'au 18 janvier 2017 et les autres jusqu'en février 2017. Le gouvernement examinera l'année prochaine si le gel des avoirs est prolongé. Une option probable, selon Roberto Balzaretti.

«Sinon, il y a peut-être un peu d'argent du Kazakhstan encore en Suisse et une partie des fonds destinés à l’Angola. A ma connaissance, il n'y a pas d'autres cas», ajoute l’ambassadeur.

Roberto Balzaretti pense qu’une page se tourne: «Les cas dont nous parlons sont sur la table depuis quelques années. Beaucoup de procédures sont closes ou proche de l’être.  Les lois ont changé, comme celles concernant le blanchiment d'argent. Et il y a une volonté politique d'avoir un système plus propre et plus transparent.»

En juillet, la Suisse a introduit une nouvelle loi pour saisir et rapatrier les richesses illicites placées dans ses banques par des dictateurs étrangers. Et ce dans les cas qui ne suivent pas les procédures classiques de restitution des avoirs. La loi vise à aider la Suisse et ses banques à se débarrasser de leur image de refuge secret pour les richesses mal acquises.

La loi permet aux autorités suisses de saisir et de renvoyer des fonds que les dirigeants étrangers ont pillés, même dans les cas qui ne peuvent être résolus par des demandes internationales standard d'entraide judiciaire.

La charge de la preuve

«La loi renverse la charge de la preuve et oblige le titulaire du compte à prouver que l'argent a été gagné légalement. Elle prévoit un gel administratif des actifs. Ce qui est beaucoup plus souple. Cela nous permet également de fournir aux pays concernées un soutien technique, comme l'envoi d’avocats ou d’experts», explique Roberto Balzaretti.

La nouvelle loi devrait renforcer le message selon lequel «la Suisse n'est pas un endroit où vous pouvez cacher l'argent impunément».

Malgré ces progrès, Roberto Balzaretti admet que la longueur des procédures – parfois 30 ans – est problématique: «Nous avons un cadre juridique que nous devons respecter. Et les appels devant les tribunaux peuvent prendre des années. Certains pays croient qu'une fois que nous avons bloqué l'argent, il peut être retourné le lendemain, mais ce n'est pas le cas. Avec ce nouvel instrument juridique, nous pensons que nous pouvons devenir plus efficaces, plus ciblés et plus rapides. Mais ça prend encore du temps.»

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