Patrick Bruel à Locarno
«Le lait de la tendresse humaine», de la Française Dominique Cabrera, est en compétition à Locarno. A l'affiche notamment, Patrick Bruel, qui a fait le crochet du Tessin. Rencontre.
«Bruel est arrivé ce matin en avion privé, il repartira ce soir», entendait-on mardi à Locarno. «Quelle est cette rumeur de crétins, là, qui a été lancée pour je ne sais quelle raison obscure?» s'irrite le chanteur. «Je reste ici deux jours, avec grand plaisir, je ne suis quand même pas suffisamment con pour venir d'aussi loin et faire juste une conférence de presse, ça ne me ressemble pas, en tout cas!»
En effet, le soir sur la Piazza Grande, Patrick Bruel était encore là, et se payait sans doute de gros frissons à la projection de «Un jeu d'enfants», signé par son compatriote Laurent Tuel. Un film formaté angoisse, où deux charmants bambins deviennent le cauchemar de leurs propres parents... Ames sensibles s'abstenir.
D'enfants, il en est également question dans le long-métrage de Dominique Cabrera. Mais dans un tout autre registre. Christelle (Marilyne Canto), déjà mère de deux garçons, vient d'accoucher d'une petite fille. Un gouffre s'ouvre alors devant elle. Pas un léger passage à vide post-natal, non, un effondrement, brutal, à la limite de la folie. Alors elle s'enfuit, et se réfugie, par hasard et plusieurs jours, chez sa voisine (Dominique Blanc). Pendant ce temps, son mari (Patrick Bruel) et ses enfants, morts d'inquiétude face à l'inexplicable disparition, vivent aussi l'enfer.
Monsieur tout le monde
Pourquoi Bruel a-t-il dit oui à ce rôle? «Le personnage avant tout: camper un homme un peu perdu, à cause de la fuite de sa femme. Le plaisir de défendre ce personnage, qui m'a particulièrement touché. Et le plaisir de travailler avec Dominique, dont j'avais beaucoup aimé le film 'L'autre côté de la mer '. J'avais envie de partager son univers».
Patrick Bruel, interprétant de façon convaincante un père de famille abandonné par son épouse dans le village savoyard qu'ils habitent, on pense de prime abord à une démarche délibérée de contre-emploi... Sa réaction est immédiate: «Mais j'ai déjà été plaqué!». Et d'ajouter: «La remarque tendrait à faire croire qu'on me verrait plutôt en héros... Non, au contraire. Il y a une fragilité, dans cet homme. Et si Dominique m'a proposé ce personnage, c'est qu'elle a senti quelque chose d'assez proche chez moi. Finalement, ce n'est pas tellement de la composition, ce rôle. C'est-à-dire que dans une situation semblable, je réagirais comme lui».
Mais enfin, l'image que projette le chanteur est tout de même plus «glamour», non? Pas pour Dominique Cabrera: «Lorsque je l'ai découvert en concert, j'ai vu une très grande proximité avec le public». Puis s'adressant à Bruel: «En fait, c'est comme si tu étais un des leurs. C'était évident pour moi. Le choix était donc juste pour le film, puisque c'est ça, le personnage: n'importe qui».
CQFD. Voilà que leurs deux argumentations réunies me font soudain douter de moi.
Bernard Léchot, Locarno

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