La promenade arteplagienne continue et prend cette fois-ci un tour sociologique. Avec Bernard Crettaz, l'observateur et l'homme d'expérience Marco Solari.

Chemise rouge. Sac à dos. Chaussures de marcheur. Bernard Crettaz arpentait le site neuchâtelois en solitaire. Bernard Crettaz, ancien conservateur du musée d'ethnographie de Genève, et nommé comme «expert» auprès de Nelly Wenger, la directrice générale d'Expo.02. A ce titre, il est chargé non pas de la conseiller, mais de lui offrir sa vision des choses en matière sociologique. A elle d'en cueillir les fruits...

«J'ai beaucoup d'émotion. Parce que c'est l'exposition de ma génération. On dira plus tard 'c'était notre exposition nationale'. Alors je suis mains ouvertes et yeux ouverts pour essayer de capter s'il y a un esprit nouveau, une mentalité nouvelle, une Suisse nouvelle qui pourrait apparaître», s'exclame Bernard Crettaz.

Amusant. Quelques instants plus tôt, Marco Solari, Président du Festival international du film de Locarno, se positionnait différemment par rapport à la notion de génération: «J'ai connu l'Expo de 1964. J'attends donc de découvrir la Suisse d'une nouvelle génération. Et que cette manifestation puisse être utile à ce pays que nous tous aimons beaucoup».

Le souvenir du «700e»

A propos, Marco Solari fut aussi le grand coordinateur des manifestations liées aux 700e anniversaire de la Confédération, en 1991. Une fête qui, dans le souvenir collectif, n'avait pas été franchement réussie... Expo.02 est-elle la fête que le 700e aurait dû être?

«Les bilans, on les tire normalement à la fin des manifestations, répond avec justesse Marco Solari. Le 700e avait eu lieu dans un contexte très particulier, celui du scandale des fiches, une période où l'on se posait beaucoup de questions sur l'identité suisse. Je ne sais pas si l'on peut parler de 'succès moyen'... Il n'y avait pas cet enthousiasme qui, aujourd'hui peut-être, sera sur les arteplages.»

Et d'ajouter: «Mais c'était une manifestation nécessaire, dans la mesure où elle a pu servir de catharsis. Le 700e a été sans doute beaucoup plus nécessaire qu'on pouvait le penser».

Zapping individuel ou dynamique collective?

Le 700e anniversaire de la Confédération a donc eu une fonction de catharsis, selon Marco Solari. Quelle rôle tiendra donc Expo.02? C'est exactement la question que se pose Bernard Crettaz: «C'est le sociologue qui est là. Pour étudier le public, les publics. Qu'est-ce qui va se passer, là? Simplement de la consommation, du zapping permanent?, Ou est-ce qu'à la faveur de l'événement, il va y avoir une dynamique collective? C'est ça qui m'intéresse.»

Bernard Crettaz s'interroge également sur la notion de représentation nationale que le public dégagera de cette aventure. Et cela d'autant plus que qu'Expo.02 est atypique: «C'est la première exposition nationale où il n'y a rien de directement énoncé sur la Suisse, en tant que telle. C'est une sorte de portrait éclaté», précise le sociologue.

Malgré la précocité du moment, le Genevois a-t-il déjà des constats à nous offrir en primeur? Oui, pour l'heure, il en a un: «Je vois qu'il y a deux catégories de personnes. Celles qui sont surtout sensibles au contenu, et qui ne s'y retrouvent pas, car elles se disent 'on ne me donne pas le contenu que j'attendais'.

Et il y a celles qui disent 'on n'a plus envie de contenu, on veut un déclencheur'. Qu'est-ce qui va donc se déclencher? Est-ce que, dans 159 jours, on dira 'voilà, on a visité un parc d'attraction et c'est fini', ou est-ce qu'un laboratoire helvétique nouveau aura pu naître ici?»

Bonne question. Rendez-vous est donc pris avec Bernard Crettaz... dans 159 jours. Pour être précis 157 jours, à l'instant où j'écris.

swissinfo/Bernard Léchot

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative