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Lutter pour joindre les deux bouts

Le village idyllique d'Abländschen, dans l'Oberland bernois, est menacé d'exode. swissinfo.ch

La pénurie d'emplois force les villageois à quitter leur foyer. Reportage de Mark Ledsom à Abländschen, dont la survie dépend du tourisme.

Ce contenu a été publié le 13 juillet 2002 minutes

Niché dans les hauteurs de l’Oberland bernois, le village pittoresque d’Abländschen est un paradis pour les randonneurs et les amateurs de calme. Mais certainement pas pour ceux qui cherchent du travail.

L’épicerie du village a disparu depuis longtemps. Le bureau de poste a fermé ses portes il y a un an, à la suite du programme national d’économies. Près de la boîte aux lettres, désormais seul lien postal avec le monde extérieur, le panneau d’affichage du village annonce l’existence de cinq boutiques et quatre restaurants de montagne en tout et pour tout.

Au restaurant Zum Weissen Kreuz, inutile de se battre pour trouver une table. Même durant la saison estivale. Quatre randonneurs d’un certain âge et un automobiliste prenaient leur café sur la terrasse lorsque je suis arrivé. La propriétaire du restaurant, Monika Liechti, n’a évidemment pas l’intention de s’agrandir.

«Sans les touristes, il serait impossible de vivre ici», explique Monika Liechti. Et d’ajouter en haussant les épaules. «C’est dur malgré le tourisme. Depuis que j’ai repris l’établissement, il y a quatre ans, j’ouvre toute l’année. Mais je crois que cet hiver, je vais fermer.»

A une minute du restaurant se trouve l’école où Monika Liechti a fait ses études. Quand elle était petite, il y avait vingt-cinq enfants dans la classe. Aujourd’hui, il n'y en a plus que cinq.

Partir pour la ville

René Fuhrer, 9 ans, est l'un de ces élèves. Un jeune qui se montre très désireux de rester à la campagne. «Je ne supporte pas le bruit infernal des voitures en ville» explique René. Toutefois, l'expérience des villageois plus âgés laisse à penser que, lui aussi, pourrait bien un jour être obligé de s'adapter au rythme de la ville.

«Ici, je ne trouve du travail que pendant les vacances», explique en effet Daniel Reuteler en fauchant l'herbe de la prairie qui domine l'école.

Daniel Reuteler, qui a lui aussi fréquenté l'école du village et vit encore avec ses parents, travaille la plupart du temps au centre pour handicapés mentaux de la ville voisine de Zweisimmen.

Un exode causé par le manque d'emplois

Bien que Daniel Reuteler n'ait pas encore rejoint ses anciens camarades de classe qui ont déjà quitté le village, il admet que la vie n'est pas facile loin des lumières de la ville.

«Il n'y a aucune commodité au village. C'est particulièrement difficile pour les personnes âgées comme mes parents», remarque-t-il. «Et ça devient de plus en plus difficile. Dans mon enfance, une soixantaine de personnes vivaient ici toute l'année. Aujourd'hui, il doit rester trente à quarante habitants.»

Le manque de perspectives semble être la principale cause de cet exode. Il faut dire que les cinq entreprises mentionnées sur le panneau d'affichage du village sont plutôt modestes. Un couvreur, deux bûcherons, une manufacture de verre et un magasin de location de skis constituent l'activité principale de Abländschen.

La visite de la fabrique de verre vaut le détour. Pour autant, elle ne témoigne pas du dynamisme de la région, car elle est dirigée par une villageoise à la retraite, Brigitte Grandpierre.

Un village qui perd son âme

«La vie semble tout simplement avoir disparu d'Abländschen», soupire Brigitte Grandpierre. Autrefois, elle tenait un salon de coiffure. Puis, à la mort de son mari, elle s'est mise à faire des animaux en verre et des abat-jour pour passer le temps.

«Je ne pouvais pas vivre au village sans m'occuper», précise -t-elle. «Quand je suis arrivée ici, il y avait toujours des grandes fêtes. C'était un village agricole très actif. Maintenant, toutes les maisons ont été transformées en résidences de vacances pour des gens qui n'y passent qu'une semaine ou deux par an.»

Les investissements faits par ces vacanciers et la stupéfiante beauté du paysage montagnard ont contribué à préserver le charme d'Abländschen. Mais une promenade le long de sa route principale, vide, confirme que le village a perdu son âme en même temps que ses anciens habitants.

Brigitte Grandpierre, qui ne peut vendre sa production de verre qu'en se rendant sur les marchés des villes environnantes n'est pas optimiste pour la survie du village. A ses yeux, Abländschen est confronté à un véritable cercle vicieux.

«Les gens s'en vont. Et nous perdons le sens de la communauté qui nous permettait autrefois d'affronter les problèmes», affirme Brigitte Grandpierre. «Le village disparaît. Et l'âme de la population avec. Ici, les gens ne se fréquentent plus. Dans ces conditions, comment sera-t-il possible de changer quelque chose?»

swissinfo/Mark Ledsom, Abländschen

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