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Genève refuse de céder aux pressions de la Turquie

Demir Sönmez pose devant la photo litigieuse de son exposition. Keystone
Ce contenu a été publié le 27 avril 2016 - 11:08
Frédéric Burnand, Genève

Une photo exposée sur la Place des Nations mettant en cause l'actuel président turc Recep Tayyip Erdogan provoque la colère de la Turquie. Son consulat a demandé le retrait du cliché. La ville de Genève a rejeté mardi cette requête.

C’est le quotidien genevois Le CourrierLien externe qui a révélé l’affaire. L’une des 58 images du photographe genevois d'origine kurde et arménienne Demir Sönmez exposées jusqu'à dimanche sur la Place des Nations a provoqué l’ire de la Turquie. L’exposition illustre les manifestations d’opposants et de la société civile organisées sur la Place des Nation face au siège européen de l’ONU. Parmi elles, une photo montre une manifestation de mars 2014 avec, au premier plan, une banderole ornée du visage dessiné d’un adolescent et cette phrase: «Je m’appelle Berkin Elvan, la police m’a tué sur l’ordre du Premier ministre turc».

«Le 16 juin 2013, Berkin Elvan, 15 ans, parti acheter du pain, avait reçu une grenade lacrymogène tirée par un policier au plus fort du mouvement de protestation autour de la place Taksim. Cette année-là, une mobilisation pour la sauvegarde du parc Gezi s’était muée en un mouvement antigouvernemental comparé au printemps arabe. Un mouvement durement réprimé. Recep Tayyip Erodgan, Premier ministre turc à l’époque et aujourd’hui président, avait déclaré que l’adolescent était membre d’une organisation terroriste», rappelle Le Courrier.

Ce mardi, l’exécutif de la ville de Genève a annoncé son refus de retirer la photographie. «Attaché à la liberté d’expression, le Conseil administratif souligne que le travail photographique de Demir Sönmez est une manière de rendre hommage aux nombreux groupes de population qui défilent ou se rassemblent pour la défense des droits humains. Ces manifestations se déroulent très régulièrement et en toute légalité sur la Place des Nations, lieu symbolique au cœur de la Genève internationale», justifie Genève dans un communiquéLien externe.

Rappel des faits avec la RTSLien externe.

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Cette affaire est révélatrice du climat politique qui règne actuellement en Turquie, comme le relève à Istambul Marie Forestier pour la RTS.

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Cela dit, l'ambassade de Turquie à Berne a semblé vouloir calmer le jeu mardi: «Nous respectons la liberté de tout artiste de déterminer lui-même le contenu de son œuvre, mais le propos de cette photographie, qui met en cause l'ex-Premier ministre turc de façon injuste et farfelue, a fait réagir de nombreuses ONG turques en Suisse.»

L’ambassade a également assuré qu'elle s'était limitée à «un contact verbal» avec les autorités de la Ville pour les rendre attentives à la situation. «Mais toute l'affaire a ensuite été amenée dans une toute autre direction, hors contexte.»

Quand la Suisse faisait profil bas

Ministre suisse des affaires étrangères, Didier Burkhalter a souligné l’importance de défendre l’un des principes cardinaux de la démocratie et des droits humains. «Décrocher une petite photo, c'est renoncer à un droit fondamental. La Place des Nations à Genève est dédiée à la liberté d'expression: il faut donner la priorité à ce droit », a-t-il déclaré à la RTS.

L’année dernière, la Suisse avait pourtant renoncé à présenter une exposition du photographe Jean Mohr intitulée «Avec les victimes de la guerre» au siège de l'UNESCO à Paris.

Plusieurs pays avaient réagi négativement, trouvant certaines images «problématiques», déclarait à l’époque Jean-Frédéric Jauslin, chef de la délégation suisse auprès de l'Unesco. Le quotidien fribourgeois «La LibertéLien externe» avait pointé la Turquie. Les photographies relativement nombreuses des camps de réfugiés grecs à Chypre, envahie par la Turquie en 1974, auraient déplu à l'ambassadeur turc auprès de l’UNESCO.

Toujours en 2015, le DFAE s’était opposé au projet d’un monument aux abords du Palais des Nations, le siège européen des Nations unies, suite aux pressions d’Ankara. L’œuvre d’art devait rendre hommage aux victimes du génocide arménien et à la solidarité exprimée par les Genevois et les Suisses à leur égard depuis plus d’un siècle.

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