Les travailleurs suisses n’hésitent plus à descendre dans la rue
La crise des années 90 et la reprise conjoncturelle ont dopé les mouvements de contestation. C’est, en substance, le constat de l’USS qui publie, à l’occasion du 1er mai 2000, une brochure intitulée «Des grèves en Suisse: quelque chose a changé».
La crise des années 90 et la reprise conjoncturelle ont dopé les mouvements de contestation. C’est, en substance, le constat de l’USS qui publie, à l’occasion du 1er mai 2000, une brochure intitulée «Des grèves en Suisse: quelque chose a changé».
Les années 90 resteront, dans la mémoire des Suisses, comme celles de la crise économique, du chômage et de la peur. Pour les syndicalistes, c’est aussi une période noire. «Les patrons ont profité de la situation pour faire pression sur les salaires et détériorer les conditions de travail, s’insurge le président de l’Union syndicale suisse (USS) Paul Rechsteiner. On peut dire, qu’à tout point de vue, les années 90 ont été déficitaires pour les travailleurs».
Reste que ces derniers ne sont pas restés les bras croisés. Après un premier état de choc, les employés de tous bords ont commencé à se mobiliser. «Au début, les mouvements étaient surtout défensifs. Il fallait préserver les acquis», précise Eric Decarro, président du Syndicat des services publics.
Les travailleurs du secteur privé se battaient pour sauver les conventions collectives. Et les employés de la fonction publique, eux, combattaient les politiques d’austérité, les atteintes aux salaires et les réductions d’effectifs.
Dès 1990, la fonction publique genevoise fut la toute première à se lancer dans l’arène. Et avec succès. Certains mouvements de protestation ont rassemblé entre 10 000 et 18 000 personnes. Les fonctionnaires vaudois, eux, ont suivi, cinq ans après. Et les autres ont suivi, au fil des ans.
Enfin, en septembre 1999, les Neuchâtelois ont décidé de recourir à la grève pour lutter contre le salaire au mérite. «Une première en Suisse», souligne Eric Decarro. Qui rappelle que la question n’est toujours pas réglée et que l’on peut s’attendre à de nouveaux rebondissements.
Pour la première fois, les salariés ont, en effet, exprimé une franche opposition à l’individualisation des salaires. Un principe qui manque de transparence, qui empoisonne le climat de travail et, surtout, qui renforce le pouvoir hiérarchique, estiment les syndicats.
«Les mouvements de lutte vont se poursuivre, prédit Eric Decarro. Avec la reprise conjoncturelle et l’amélioration des finances, les salariés ne vont pas accepter de rester sous pression. Notamment, dans le secteur public où ils ont fait de gros sacrifices au nom de la réduction des déficits».
Et Eric Decarro de citer, notamment, le cas des employés de Jet Aviation à l’aéroport de Genève qui s’appuient, après des années de vaches maigres, sur un accroissement de la productivité pour revendiquer des augmentations de salaires.
Autre constat, si les Suisses alémaniques se sont peu manifestés durant les années de crise, ils sont en train de rattraper le retard. «Depuis une année et demie, constate Eric Decarro, les luttes se développent de l’autre côté de la Sarine. Un mouvement très organisé est en préparation, par exemple, dans les hôpitaux zurichois».
Et le président du Syndicat des services publics de confirmer: «en matière de lutte syndicale, les écarts entre la Suisse romande et de la Suisse alémanique ont tendance à se résorber».
«Il y a des sensibilités et des contextes socio-politiques quelque peu différents entre les deux parties du pays. Et les effets de la crise se sont fait sentir plus tardivement du côté alémanique. Mais je crois, conclut Eric Decarro, que les atteintes aux conditions de travail et de salaire engendreront, à terme, les mêmes réponses syndicales des deux côtés de la Sarine».
Vanda Janka

En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Joignez-vous à la discussion