Les Suisses ont manqué d'audace
Morosité économique. Erreurs politiques. Après le vote des Suisses sur l'or de la BNS, la presse focalise sur la mort de la Fondation Suisse solidaire.
Même diagnostic à propos du rejet de la loi sur la libéralisation du marché de l'électricité.
La plupart des chroniqueurs estiment que les Suisses n'ont pas fait preuve d'égoïsme en refusant la fondation. «Ce non n'est pas le triomphe de l'égoïsme», écrit par exemple le Matin.
Morosité ambiante
Les analystes pensent que le vote relève de la mauvaise conjoncture économique. «A la Bourse, quand les investisseurs perdent confiance, on parle d'un retour aux valeurs défensives. Politiquement, il ne s'est pas passé autre chose ce week-end», écrit le Temps.
«Ce résultat est avant tout le reflet de l'ambiance morose qui règne actuellement sur notre pays», ajoute le Matin.
Un climat d'autant plus morose que les Suisses ont été récemment marqués par quelques affaires. Et 24 Heures de citer la situation financière de Swiss, les millions accordés à Expo.02, la baisse des revenus du 2e pilier, le tout sur fond de valse des PDG munis de faramineux parachutes.
Un mauvais projet
Mais la conjoncture n'explique pas tout. Le Conseil fédéral et, plus généralement, le monde politique, ont aussi leur part de responsabilité dans l'échec de la Fondation Suisse solidaire.
En effet, pour les commentateurs, ce projet était mal ficelé. Personne n'a vraiment compris quels étaient les buts de la fondation. Le Tages Anzeiger résume bien l'opinion générale des journalistes en qualifiant le projet de «nébuleux».
Or, le Conseil fédéral n'a jamais réussi à apporter la clarté nécessaire. Ce qui fait d'ailleurs dire à la Liberté: «C'est comme s'il avait voulu torpiller sa propre idée de créer une Fondation Suisse solidaire».
Mais c'est également un vote de défiance face au monde politique en général. Les Suisses ont exprimé leur «défiance devant les dessins impénétrables du monde politique; leur lassitude devant le gaspillage de l'argent public», note 24 Heures.
Mauvais souvenir
Les chroniqueurs estiment également que le souvenir de la pression exercée sur la Suisse lors de la crise des fonds en déshérence a aussi coulé le projet de fondation.
La Neue Zuercher Zeitung va même plus loin: «La campagne n'a pas été tout à fait épargnée par quelques relents d'antisémitisme», écrit le grand quotidien zurichois.
Il n'en reste pas moins que toute la question de l'or excédentaire de la BNS doit maintenant être rediscutée, ce qui, aux yeux des journalistes, promet une belle foire d'empoigne.
La plupart des chroniqueurs qui s'expriment sur l'avenir estiment que cet or devra servir à la recherche et à la formation. D'autant que le dernier rapport PISA a montré quelques failles dans le système d'éducation suisse, rappelle le Tages Anzeiger.
Victoire à la Pyrrhus
Les journalistes estiment que le rejet de la nouvelle Loi sur le marché de l'électricité est, comme dans le cas de la fondation, avant tout dû au marasme économique.
«En une période de stagnation économique et d'inquiétude générale, la majorité n'a vu aucune raison de changer quelque chose au système actuel», note par exemple le St. Galler Tagblatt.
Mais c'est aussi la marque d'un ras-le-bol face à un processus de libéralisation. Pour 24 Heures, le scepticisme des citoyens a commencé lorsque l'on a touché un service public unanimement apprécié comme La Poste.
En fait, l'AGEFI est l'un des rares journaux à croire encore que les Suisses ne refusent pas un ordre économique libre. Pour le quotidien des affaires, le refus de dimanche est plutôt à rechercher du côté de la perte de crédibilité du Conseil fédéral suite aux investissements dans Swiss et dans Expo.02.
Quoi qu'il en soit, les analystes ne se réjouissent pas outre mesure du rejet de la nouvelle loi. La libéralisation du marché va de toute façon se poursuivre, notamment en raison de la politique européenne.
Mais le problème, c'est que, dans ce contexte, les Suisses n'ont pas voulu se doter des garde-fous nécessaires. Pour le Temps comme pour le Tages Anzeiger, ce vote constitue donc «une victoire à la Pyrrhus».
swissinfo/Olivier Pauchard

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