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Les cinq langues de la Suisse

«Fabula - Histoires pour conter la Suisse en cinq langues» est un spectacle à la croisée de plusieurs routes: le théâtre, l’animation socio-culturelle et la défense & illustration politically correct de «l’idée suisse».

Ce contenu a été publié le 16 décembre 1999 minutes

«Fabula - Histoires pour conter la Suisse en cinq langues» est un spectacle à la croisée de plusieurs routes: le théâtre, l’animation socio-culturelle et la défense & illustration politically correct de «l’idée suisse».

A l'origine du projet, la Fondation Pro Helvetia, qui a souhaité développer une création avec la participation de plusieurs centres culturels de Suisse: le Dazio Grande de Rodi-Fiesso, Lévantine, La Vouta en Engadine, le Migrantinnenwerkstatt Wisdonna à Berne, le Rosenberg dans la Vallée de la Töss, le Stapferhaus de Lenzburg et la Maison des contes et légendes d’Outre-Rhône à Dorénaz, en Valais. Et pour construire le spectacle, elle a fait appel au metteur en scène alémanique Liliana Heimberg. Sa démarche a tout de suite été claire: «Je voulais faire un spectacle sur la façon dont on pourrait parler ensemble, et s’entendre: sans se transformer, mais en s’acceptant l’un l’autre».

La préparation a donc nécessité beaucoup de souplesse: à cause des lieux, puisqu’aucun ne ressemble à l’autre, et qu’il ne s’agit jamais de véritables scènes. Et puis, à cause des langues, bien sûr: au théâtre, cinq actes sont plus courants que cinq langues! Pourtant les comédiens s’affirment enchantés de l’expérience qu’ils sont en train de vivre, qu’ils soient alémanique, romand, tessinois, romanche... ou croate, puisque la «cinquième langue» est en l’occurrence le serbo-croate, véhiculé par Jelena Mitrovic (photo), qui a quitté l’ex-Yougoslavie pour la Suisse il y a douze ans, et qui n’hésite pas à mêler aux contes et histoires présentés dans «Fabula» le récit de sa propre vie. A propos, quel regard porte-t-elle sur la diversité helvétique?: «Avant la guerre, nous avons aussi vécu ensemble, parlé des langues différentes, et communiqué...»

A l’arrivée, un spectacle surprenant où alternent et s’interpénètrent la légende (la conteuse valaisanne, Marylène Maret), l’humour (le curé tessinois, Emanuele Santoro), l’auto-dérision (l’alémanique à oeillères, Marco Paniz), la musicalité (la très folklorique romanche, Angelica Biert) et la fragilité (l’immigrante croate).

Beau projet, résultat intéressant, mais à qui s’adresse-t-on? Le spectacle ne doit être joué que six fois, une représentation par centre culturel. Peut-être y aura-t-il quelques supplémentaires, mais quoi qu’il en soit, toute cette belle énergie ne sera présentée qu’à quelques happy few, convaincus d’avance par l’intention. On a parfois le sentiment que, pour les bailleurs de fonds officiels de la culture, il suffit de contribuer à monter un spectacle pour que celui-ci existe, et que les spectateurs sont d’une certaine façon, accessoires.

La démarche sera sans doute toute autre pour Jelena Mitrovic, qui nous a annoncé la prochaine mise sur pied d’un projet qui fait briller des étincelles dans son regard: la création d’une troupe de théâtre serbo-croate à Berne. Car selon elle, «l’art, la musique, l’amitié permet de réunir». On aimerait tant la croire.

Bernard Léchot

«Fabula»: à voir à Rodi-Fiesso (18.12), Wila (14.01), Berne (16.01), Lenzburg (19.01), Dorénaz (29.01) et Lavin (05.02)

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