Les cieux de la danse qui chante
De Bach, Mozart et Mahler à la Grèce d'Hadjidakis, Maurice Béjart marie danse et musique. Comme pour mieux entrevoir le destin de son âme.
Maurice Béjart est sur tous les plans en ce printemps 2002. Il est le sujet d'un film de Marcel Schüpbach au Festival de Cannes. Il monte une pièce dansée «L'heure exquise» inspirée de Samuel Beckett au Théâtre de Vidy, du 28 mai au 16 juin.
Son école-atelier Rudra se produit les 25 et 26 mai au Métropole à Lausanne. Et, dans ce même lieu, il déroule, du 23 au 28 mai, un spectacle sur «La voix humaine et la danse».
Maurice Béjart joue donc actuellement sur tous les registres artistiques. Concours de circonstance ou boulimie de travail, avant de tirer sa révérence?
Le bleu de l'au-delà
Plus que jamais, les décors de son nouveau spectacle «La danse qui chante» sont habillés de bleu. Du bleu ciel lumineux au bleu turquoise des mers envoûtantes. Ces bleus qui symbolisent l'au-delà.
Ce n'est sans doute pas pour rien que l'homme a choisi d'ouvrir son spectacle avec Jean-Sébastien Bach et Wolfgang Amadeus Mozart. Au travers de deux pièces qui touchent du doigt le 7e ciel: «Cantate 51» et «La Flûte enchantée».
Si la musique de Bach et Mozart transpirent la verticalité (de l'homme vers Dieu), la musique d'Hadjidakis, elle, évoque, en guise de final, l'horizontalité de ces mers grecques qui paraissent vous fuir à l'infini.
Maurice Béjart a tout dit. Il l'a fait avec un esprit novateur et un sens esthétique sans précédent. Mais aujourd'hui, il n'offre plus grand chose de nouveau dans la danse.
Sinon qu'à 75 ans, le chorégraphe revisite ses œuvres pour les parfaire, les actualiser. Mais on pressent plutôt qu'il marche déjà vers ce panthéon réservé aux grands artistes qui ont marqué leur discipline et le monde.
Tokyo en création
Reste, parmi les six tableaux du spectacle, une création «Tokyo Gesture» qui renoue avec la tradition des 17e et 18e siècles français. Elle voulait que les grands seigneurs - y compris les rois Louis XIII et Louis XIV - dansent, travestis, les rôles de déesses et de nymphes.
Autour de solistes masqués, les garçons et les filles de la troupe dansent devant des miroirs tournants. En hommage à Nakamura Utaemon. Un célèbre acteur kabuki qui fut un passeur de cet art théâtral en Occident et qui devait décéder l'an dernier à plus de 80 ans.
Là encore, on sent le chorégraphe Maurice Béjart se rapprocher de cet autre monde que personne ne connaît vraiment, sinon par conviction religieuse ou intuition artistique.
Tandis que l'un diminue, l'autre croît. En effet, le soliste de Béjart, Gil Roman, se révèle par une danse de plus en plus aboutie et d'une virtuosité qui laisse présager la passation de pouvoir à la tête du BBL. Que ce soit dans «Wo die schönen Trompetten blasen» et «La mort du tambour», sur un Gustav Mahler menaçant.
La Grèce de Béjart
Encore un voyage chorégraphique avec Béjart? Mais plus que jamais musical! Puisque le Quatuor Athena et les cantatrices Gyslaine Waelchli et Charlotte Müller-Perrier jouent et chantent en direct sur scène.
De ce spectacle, une belle image évocatrice: ces femmes qui, les unes derrière les autres, se déhanchent langoureusement et de manière répétitive dans leurs jupes noires flottantes.
Et dire que ces danses grecques ne sont en rien tirées du folklore, comme le Maître tient à le préciser, ce qui ne les empêche pas, bien au contraire même, de transpirer l'esprit hellénique de la fête. A vous redonner la nostalgie des îles des Cyclades et du Dodécanèse.
swissinfo/Emmanuel Manzi

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