Navigation

Les «nettoyages» qui démolissent le Zimbabwe

Démolir n’est pas tout. Encore faut-il reconstruire. Keystone

Les travailleurs humanitaires suisses au Zimbabwe dénoncent à leur tour le programme gouvernemental controversé d’assainissement des bidonvilles.

Ce contenu a été publié le 30 juillet 2005 minutes

Jeudi, Harare a annoncé la fin de l’opération, qui s’est traduite par la disparition de nombreux quartiers de taudis. Mais les Nations Unies estiment qu’elle a fait près de 700'000 sans-abri.

La DDC, Direction suisse du développement et de la coopération, a dû débloquer des fonds d’urgence pour aider les populations du Zimbabwe touchées par les démolitions.

L’agence a déjà alloué au pays 1,39 million de francs cette année, soit presque autant que ce qu’elle avait donné sur l’entier de l’année 2004. La moitié de cette somme a servi à des distributions de nourriture et de lait.

«Le Zimbabwe est pris dans une spirale d’effondrement structurel et social, et les démolitions ne font qu’aggraver les choses, explique à swissinfo Jean-Philippe Jutzi, porte-parole de la DDC. Le pire problème auquel nous devons faire face est la corruption. Nous devons rester vigilants pour nous assurer que l’argent va bien là où il doit aller».

Gagne-pain détruit


L’Entraide protestante (EPER), une ONG suisse présente au Zimbabwe depuis avant 1980, date de l’indépendance, constate que ses programmes ont subi un net coup de frein à cause de la politique du gouvernement.

Barbara Müller, porte-parole de l’EPER, donne à swissinfo l’exemple d’un atelier, installé depuis huit ans dans le quartier miséreux de Chitungwiza. Ici, on dispensait une formation en menuiserie et en couture, afin de permettre à celles et ceux qui la suivaient de gagner leur vie.

«Les locaux ont été complètement démolis et la plupart de l’équipement perdu, explique Barbara Müller. Et nos anciens apprentis ont aussi vu leurs ateliers détruits, et leur gagne-pain avec».

Continuer malgré tout


Pour l’heure, l’EPER ne connaît pas l’étendue exacte des dégâts, mais il est établi que plusieurs de ses collaborateurs ont perdu également leur maison.

«Nous devons trouver un moyen de réunir les forces et de relancer le travail malgré tout, explique Barbara Müller. Ces gens ont tout perdu, mais ils ne manquent pas de ressort. Ils continueront malgré ce qu’ils viennent de subir».

De son côté, le gouvernement d’Harare défend sa campagne d’«assainissement» en arguant qu’elle permet de réduire la criminalité. Il a également promis de construire de nouveaux logements pour les gens qui ont vu le leur détruit.

«Injustice catastrophique»

Des arguments qui ne convainquent pas le Conseil œcuménique des églises. L’organisation basée à Genève vient de débloquer 500'000 francs pour l’aide à ces nouveaux sans-abri et a écrit une lettre de protestation au gouvernement du Zimbabwe.

Le Conseil y souligne notamment que cette opération arrive à un moment où les campagnes sont totalement incapables d’accueillir ces populations chassées des villes en raison de la sécheresse qui ravage le pays.

Cette lettre arrive au moment même où le Conseil de sécurité des Nations Unies discute d’un rapport sur ces démolitions. Ce document, rédigé par l’émissaire spéciale de l’ONU Anna Tibaijuka, conclut que l’opération constitue une violation du droit international.

Une opération que même le secrétaire général Kofi Annan a décrit comme «une injustice catastrophique pour les citoyens les plus pauvres du Zimbabwe».

swissinfo, Matthew Allen
(traduction et adaptation, Marc-André Miserez)

Faits

Selon les Nations Unies, près de 2,4 millions de personnes ont été affectées par le programme d’assainissement des bidonvilles au Zimbabwe. 700'000 d’entre elles sont désormais sans abri.
Baptisée «Drive Out Trash» (littéralement «chassez les détrituts») par le gouvernement, l’opération a débuté en mai et vient de se terminer.
Côté suisse, la DDC a fourni de l’aide au Zimbabwe pour 1,39 million de francs depuis le début de l’année.

End of insertion

Articles mentionnés

En conformité avec les normes du JTI

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Joignez-vous à la discussion

Partager cet article

Changer le mot de passe

Souhaitez-vous vraiment supprimer votre profil?