Les îles, microcosmes de la planète
Le Muséum d'histoire naturelle de Neuchâtel présente deux nouvelles expositions, dont «Iles - vivre entre ciel et mer». Dépaysement spatial et temporel.
Après l'aventure de «La Grande Illusion» et avant un nouveau projet consacré à la thématique du sable, le Muséum d'histoire naturelle de Neuchâtel propose deux expositions. L'une, intitulée «Ambiances lacustres», présente les images du livre éponyme que publient quatre photographes.
Ceux-ci, Ernest Duscher, Michel Kohler, Martin Zimmerli et Jean-Lou Zimmermann, ont braqué leurs objectifs sur la faune des rives sud du lac de Neuchâtel. Une incroyable diversité animalière liée aux zones marécageuses nées de l'abaissement du niveau du lac, il y a une centaine d'années.
L'autre exposition, «Iles - vivre entre ciel et mer», a été montée par le Muséum d'histoire naturelle de Paris. Elle nous emmène bien sûr aux quatre coins du globe mais, surtout, elle explique de manière pédagogique, notamment à l'aide de très ludiques bornes informatiques, les mécanismes de l'évolution.
Drosophiles, dodos et hippopotames nains
En 1831, embarqué à bord du «Beagle» pour un voyage autour du monde, Charles Darwin fait escale aux Galápagos. Choc. Et illumination: «Cet archipel avec ses innombrables cratères et ses ruisseaux de lave dénudée, paraît être d'origine récente; et je me figurais presque d'assister à l'acte même de la création», écrit-il.
«La théorie de l'évolution est née de la découverte et de l'étude des Galápagos par Darwin. Pour les biologistes, l'île, c'est le modèle, le laboratoire, le milieu clos qu'on pense pouvoir comprendre. En Suisse, Jean-Jacques Rousseau avait déjà eu cette idée à l'île Saint-Pierre: il y herborisait et souhaitait connaître toutes les plantes de l'île. C'était déjà le mythe du savoir complet», précise Christophe Dufour, conservateur.
Alors les exemples défilent. La mouche drosophile, qui, dans les îles de Hawaï, a essaimé une centaine d'espèces spécifiques. Ou la triste histoire du dodo, oiseau de l'île Maurice qui, ayant «perdu» ses ailes au fil des millénaires, fut une proie facile pour les colons, et disparut totalement au 17e siècle.
Pourquoi avait-il perdu ses ailes? Parce que cela se fait beaucoup dans les îles, qu'il s'agisse d'oiseaux ou d'insectes: «Il y a une explication très finaliste: si vous habitez sur une île et que vous volez, vous avez beaucoup de chances de vous faire emporter par une tempête, et de mourir en mer» commente Christophe Dufour.
Qui ajoute que les îles poussent également à l'embonpoint, comme le dodo, ou au nanisme, comme l'hippopotame de Chypre ou l'éléphant de Sicile. Si si, vous avez bien lu.
Des îles en guise de miroir
Le quotidien humain dans l'univers îlien, les difficultés que connaît une société limitée par un territoire grand comme un mouchoir de poche, sont évoqués au travers d'un exemple: celui de Saint-Pierre, au sud de Terre-Neuve, qui compte 6000 habitants. Et, au travers des propos tenus par quelques habitants, on pense soudain au cas helvétique.
Christophe Dufour va encore plus loin: «On ne peut pas ouvrir le journal ou la radio sans entendre parler de la Suisse en tant qu'île. Et c'est vrai que, sans avoir l'esprit particulièrement perfide, vous visitez l'exposition, vous avez des exemples animaliers qui font écho à ce que vous voyez dans la presse».
Le cousinage du hackbrett et de l'éléphant
C'est suite à ce constat que pour le vernissage, au lieu d'engager un joueur de guitare hawaïenne ou de gwo ka guadeloupéen, les organisateurs ont invité un spécialiste d'un instrument 100% helvétique, le hackbrett, sorte de cymbalum.
100% helvétique? L'origine du hackbrett est orientale. Son plus vieil ancêtre était le santour, un instrument... sumérien. Le hackbrett en est un descendant, comme le cymbalum, le dulcimer ou le clavecin et donc le piano en sont d'autres.
«Le hackbrett, c'est une forme ancestrale conservée dans une île. C'est ça le point intéressant. Comme les éléphants de Sicile, qui étaient aussi une forme particulière conservée dans une île. On peut les mettre un peu sur le même plan», conclut Christophe Dufour.
Une exposition qui tisse des liens entre hackbrett et éléphant, et qui vous dessine dans la bonne humeur des exemples pratiques et incontestables de l'évolutionnisme est évidemment passionnante. Sauf pour les défenseurs invétérés du créationnisme. Car il y en a encore.
Bernard Léchot

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