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Le totalitarisme décliné par Harold Pinter à Genève

Raoul Teuscher interprète le personnage principal. Le comédien Raoul Teuscher

«Un pour la Route» d'Harold Pinter se donne à la Maison des arts du Grütli. Ou comment un homme peut détruire un autre, rien qu'avec des mots.

Ce contenu a été publié le 19 décembre 2001 minutes

«Un pour la route» met en lumière la relation du tortionnaire à sa victime. Harold Pinter a écrit cette pièce de façon réactive. En une nuit de 1985. Après avoir rageusement quitté une «party» à l'ambassade de Turquie à Londres.

«Un pour la route» confronte un homme, dont on ne sait s'il est juge ou inspecteur, à une famille emprisonnée. Les interrogatoires du père, de la mère et de leur enfant démontrent comment un simple individu peut se muer en tortionnaire.

Au nom de Dieu...

Interprété par «un magnifique» Raoul Teuscher, le personnage principal prétend détenir et exercer un pouvoir absolu qu'il estime d'essence divine. «Raoul Teuscher cite, en effet, souvent Dieu, précise Christelle Marro, la porte-parole du Théâtre du Grütli. Il agit au nom de Dieu...»

Cela dit, on ne sait à quelle époque, ni dans quel régime se situe l'intrigue. Harold Pinter laisse simplement entendre que le père vient de subir un supplice physique. Mais, sur scène, on n'assiste qu'à une torture morale.

Le père est accusé d'un crime dont il n'est pas au courant. Sa femme se fait ridiculiser parce que, en tant que fille d'un dignitaire du régime, elle aurait trahi son pays. Alors que leur garçon de sept ans est accusé d'avoir craché sur les soldats, garants du régime totalitaire en place.

Dominant-dominé

Evidemment, la problématique se crée lorsque l'autre - l'agressé - ne reconnaît pas ce pouvoir. Naissent alors trouble, besoin d'amour, haine et séduction inévitables à la relation dominant-dominé.

Cette pièce distille une violence d'autant plus menaçante qu'elle ne fait que sourdre sans jamais éclater. «Un pour la route» est astucieusement mis en scène par François Marin. Après son vif succès de l'an dernier, la pièce est à redécouvrir sur les planches de la Maison des arts du Grütli.

Auteur dramatique né en 1930, Harold Pinter connaît tous les aspects de la mise en scène anglaise. Son théâtre de l'absurde renvoie le spectateur à lui-même, à son monde de faux-semblants, à sa part d'ombre.

«D'entrée, commente Christelle Marro, un sentiment d'injustice profonde nous envahit. Dans le même temps, même si le texte est fort et violent, et même si le destin de la famille en devient insoutenable, l'intrigue nous tient en haleine jusqu'au bout, parce que l'on veut comprendre et savoir.»

Emmanuel Manzi

Représentations de la pièce à 19h, jusqu'au 22 décembre.

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