Le film suisse, «court» et «jeune»
Le 1er Festival International du film fantastique de Neuchâtel, qui s’est terminé dimanche, proposait une compétition réunissant huit courts-métrages suisses. Avec quelques bonnes surprises au rendez-vous. Survol.
Pour que la sélection soit possible, les organisateurs ont été moins stricts que pour la compétition internationale: les courts-métrages pouvaient être antérieurs à 1999, et leurs liens avec l’univers fantastique parfois très ténus. Pourtant, à l’arrivée, le constat est là: le goût du mystère, de l’étrange ou de l’excès est bien présent chez certains jeunes réalisateurs…
Le Lausannois Mathieu Mercier nous offre un vrai conte fantastique avec «L’appel de la cave». Un couple de jeunes alpinistes égarés trouve refuge dans un chalet habité par un curieux montagnard. Mais le montagnard ne sera jamais aussi étrange que la montagne elle-même, monstre beaucoup plus vivant qu’on le pense généralement… Une montagne ogresse, plus convaincante que la vision de l’au-delà que propose la Genevoise Elizabeth Aubert Schlumberger dans «Carpe Diem».
Les deux réalisateurs suisses alémaniques présents à Neuchâtel donnent plutôt dans la satire.
Avec «In den Fängen des Dr. Gruber», le Zurichois Gion-Reto Killias s’amuse à parodier certains films de genre. Un affreux docteur malfaisant aux expériences révolutionnaires et immorales, une espionne déguisée en femme de ménage, un voyou de passage… L’affaire se solde par un bain de sang.
Satire également, mais sociale celle-ci, avec «Einladung auf dem Lande», de Thomas Hess, qui nous emmène dans une sage villa d’une banlieue proprette et cossue. Où l’on découvre qu’un bourgeois suisse alémanique, rondouillard et ordonné, peut cacher un fou furieux totalement névrosé. En dix-sept minutes, on rit beaucoup…
Deux réalisateurs ont osé nous emmener véritablement «ailleurs», avec ce que cela implique de décors et de costumes dépaysants. Option ambitieuse lorsqu’on sait le manque de moyens endémique du cinéma suisse.
Avec «Carapaces», le Genevois Alexis Berset propose une relecture d’une bande dessinée signée Schuiten. Un habile mélange de prises de vues réelles et d’images de synthèse pour un univers post-apocalyptique, où un couple découvrira, mais trop tard, que, dans un tel monde, mieux vaudrait rester couvert pour faire l’amour.
Quant au Zurichois Chris Niemeyer, il nous plonge dans un laboratoire dirigé par une terrible doctoresse (Anne-Marie Blanc), où un malheureux prisonnier sert de cobaye à des expériences temporelles, passionnantes au demeurant! Décors glaciaux, image bleutée et somptueuse, là aussi, le pari est plutôt bien réussi.
Les jeunes cinéastes en question ont manifestement voulu couper avec leurs aînés, avec ce cinéma suisse réputé pour sa lenteur, son refus de l’action, son intériorité. Ce qui n’est pas le cas de «Time With Nyenne», du Neuchâtelois Olivier Béguin, le lauréat du concours, film que nous avons déjà évoqué dans l’article «Des Narcisses pour saluer l’angoisse».
Pas le cas non plus d’un autre Neuchâtelois, Didier Gertsch, qui, avec «…To Be With Me», s’intéresse à une femme qui vit une crise affective profonde. En jouant de la longueur, en s’amusant des distorsions temporelles, il fait se côtoyer deux récits, l’un réaliste, l’autre onirique, comme métaphore du premier.
L’un des organisateurs du festival neuchâtelois me le confiait: «Notre rêve, c’est d’avoir un film suisse dans la compétition internationale». A quand la fusion du rêve et de la réalité? Car c’est un peu ça le fantastique, non?
Bernard Léchot

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