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Le Conseil fédéral ne veut pas d'un «oui maintenant» à l'Europe

Joseph Deiss (à gauche) et Pascal Couchepin lors de la conférence de presse de ce jeudi. Keystone

L'initiative 'Oui à l'Europe!' «pose la mauvaise question au mauvais moment». C'est l'avis on ne peut plus officiel du gouvernement suisse qui recommande au corps électoral de refuser le 4 mars prochain le principe de négociations d'adhésion sans délai.

Ce contenu a été publié le 18 janvier 2001 minutes

Le Conseil fédéral a publié jeudi la traditionnelle brochure d'explications qui précède toute votation. Le 4 mars, trois questions seront posées aux citoyennes et citoyens suisses suite au dépôt de trois initiatives populaires, la première pour un «Oui à l'Europe!», la deuxième «pour des médicaments à moindre prix», la troisième pour des «rues pour tous».

Joseph Deiss, ministre des Affaires étrangères, et Pascal Couchepin, ministre des l'Economie, ont ensemble tenu conférence de presse à Berne pour expliquer la position du gouvernement et sa recommandation de dire non au «Oui à l'Europe!»

Cette initiative déposée en 1996 postule que la Suisse participe au processus d'intégration européenne et qu'elle vise dans ce but à adhérer à l'Union européenne. Elle demande donc au gouvernement d'ouvrir sans délai des négociations d'adhésion.

«Nous partageons l'objectif des promoteurs de cette initiative, qui est celui de l'adhésion, déclare d'emblée Joseph Deiss. En revanche, nous sommes en opposition en ce qui concerne la démarche à adopter».

Le Conseil fédéral avance plusieurs arguments. L'initiative est tout d'abord contraire à la répartition des compétences prévues par la Constitution. C'est au gouvernement qu'il appartient de décider si et quand il convient d'ouvrir des négociations de politique extérieure.

Selon lui, ce moment n'est pas venu. Comme dit Pascal Couchepin, «des réformes internes et externes sont indispensables si l'on veut avoir une chance de réussir ce projet ambitieux, et pour le réussir, il faut commencer par écarter la précipitation qu'implique cette initiative».

Laquelle, dit encore le gouvernement, «brûle les étapes». Des négociations d'adhésion ne doivent pas être menées sous la pression du temps, mais au contraire s'inscrire dans la continuité d'une politique.

Et la politique européenne de la Suisse passe d'abord par de nouvelles discussions avec l'Union européenne. Ce vendredi, une première rencontre est d'ailleurs prévue à Bruxelles pour faire un inventaire préliminaire des sujets à négocier.

Berne voudrait aborder toute une série de questions, notamment sur les produits agricoles transformés, mais surtout sur les possibilités de renforcer la coopération en matière de justice, de police et d'asile.

Bruxelles, de son côté, souhaite traiter des problèmes de fraude douanière et de fiscalité de l'épargne. Sur ce thème, Pascal Couchepin se veut très clair: «notre pays n'a pas intérêt à tolérer sur son territoire des activités qui portent préjudice à ses voisins, mais la lutte contre la fraude fiscale n'est qu'une facette de la lutte contre la criminalité en général».

Autre argument gouvernemental contre l'initiative: il faut faire la différence entre l'objectif et la démarche. Là aussi, le ministre de l'Economie rappelle que le Conseil fédéral «a fait la preuve par l'acte qu'il veut une intégration plus forte de la Suisse dans l'Union européenne». Les accords bilatéraux qu'elle a conclus faciliteront certainement son adhésion le moment venu, «même s'il n'a jamais été question de les interpréter comme autre chose qu'un premier pas».

Pascal Couchepin ne cache pas qu'un jour viendra où il faudra bien prendre le risque d'un vote sur le fond et non plus sur la forme. Mais, dit-il, on le fera «lorsqu'on sera convaincu qu'on a le moyen de réorienter une partie des votes hésitants en faveur de l'adhésion». Et d'ajouter qu'il ne faut cependant pas confondre risque et témérité.

Coïncidence: Moritz Leuenberger, nouveau président de la Confédération, était à Genève l'invité du Club suisse de la presse. S'agissant de la thématique européenne, il ne nie pas qu'une ambiguïté plane sur cette campagne de votation.

«Les 'oui' à l'initiative, constate-t-il, se mobilisent pour un oui à l'adhésion, pour un oui de principe. De nombreux 'non' en revanche veulent simplement dire, comme le Conseil fédéral, qu'il est trop tôt pour engager de telles négociations. La tactique et le stratégique risquent ainsi de se mélanger dans l'opinion publique».

Il importe donc, selon lui, de ne pas mélanger les enjeux: «nous allons voter sur une question de tempo, de rythme, de vitesse et de compétence de négociation». Et c'est en fonction de ce débat sur la forme et non sur le fond que le Conseil fédéral interprétera le résultat de la votation.

En clair et si le 'oui' l'emporte, le gouvernement se devra donc d'agir immédiatement. Sinon, il n'y aura pas d'ouverture de négociations d'adhésion pendant la présente législature. Et l'on peut d'ores et déjà imaginer que l'Europe sera l'un des thèmes clés des élections nationales de 2003.

Quant à la question de savoir si les années qui passent ne rendent pas toujours plus difficiles les négociations d'adhésion, Pascal Couchepin écarte facilement l'objection. «D'abord, dit-il, parce que la Suisse répond déjà à la plupart des critères d'acceptation au sein de l'Union européenne, ensuite parce qu'elle reste malgré tout pour les Européens un partenaire idéal sur beaucoup d'aspects.»

Bernard Weissbrodt

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