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Le castor ou l'histoire d'une reconquête

Un bâtisseur revient au pays. Keystone

Il est timide, vit en retrait mais tout près des hommes. Depuis cinq ans, le castor fait une réapparition remarquée en Suisse.

Ce contenu a été publié le 14 août 2005

Le sympathique rongeur sait s’adapter à son environnement et ne dédaigne pas le maïs et les betteraves à sucre.

Il n’a pas vraiment l’air de nous craindre, s’escrimant à tirer une branche dans l’eau afin de se l’offrir en dessert. Nous sommes aux bords de l’Aar, les yeux braqués sur un castor.

Directeur de la pêche et de la chasse du canton de Soleure, Marcel Tschan estime que le plus gros rongeur d’Europe a fait sa réapparition dans la région depuis 15 ou 20 ans.

«On trouve des castors sur l’ensemble du tronçon de rivière situé entre Grange et Schoenenwerd, explique Marcel Tschan. Dans la zone où l’Emme se jette dans l’Aar surtout.»

Quasiment éradiqué

Il y a bien longtemps que ce n’était plus le cas. Le castor avait été quasiment éradiqué du territoire suisse durant le 19e siècle. Ceci pour deux raisons surtout: son pelage d’abord, sa viande ensuite, goûtée à l’époque par les gourmets.

En 1685, pas moins de 200 recettes portant sur la manière d’apprêter le castor avaient déjà été publiées. L’Eglise a sans doute porté un coup fatal à la population du rongeur en décrétant qu’au vu de sa queue écailleuse et aplatie, sa chair pouvait remplacer celle du poisson...

Directeurs de la section faune sauvage à l'Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP), Reinhard Schnidrig salue la présence du castor en Suisse: «Dans les années soixante, sa réintroduction a donné de bons résultats, avant tout dans les régions où les rivières s’avèrent suffisamment nourricières».

Ces réintroductions ont commencé dans l’ouest du pays, pour ensuite être étendues à l’est. «La population occidentale originaire du Valais rencontre dans notre canton celle de l’est, établie dans la zone de Zurich et de l’Argovie, indique Reinhard Schnidrig. Ceci garantit un bon renouvellement génétique, essentiel à l’espèce.»

Des dégâts aussi

Le castor est un animal tout ce qu’il y a de sympathique. Pour autant, avec ses habitudes de glouton, ne risque-t-il pas de mettre en péril les berges des cours d’eau?

«D’un point de vue économique, les dommages causés par le castor n’ont rien de tragique. Ils sont plutôt marginaux», assure Reinhard Schnidrig. Et de toute manière, les pouvoirs publics sont aussi là pour indemniser les lésés.

«La législation fédérale prévoit que les dommages causés par les castors soient compensés à hauteur de 50% par la Confédération et les cantons», indique Reinhard Schnidrig.

Pour obtenir une compensation, les agriculteurs touchés doivent toutefois prouver qu’ils ont pris les mesures préventives qui s’imposent, comme la pose de clôtures ou la protection des arbres.

Dans la région soleuroise, le castor a tout testé: «Lorsqu’un champ de betteraves à sucre est à moins de 20 m de la rivière, il lui arrive de les déterrer en ligne et de labourer ainsi de 200 à 500 m2», note Reinhard Schnidrig.

Le passage du rongeur au travail laisse des traces: percée sur les remblais de la rive, marques d’incisives dans les champs.

Un véritable architecte

Le castor est un bâtisseur. Mais la sous-espèce européenne construit généralement moins de barrages que sa parente nord-américaine. Et de toute manière, des eaux aussi puissantes que celles de l’Aar lui rendraient la tâche impossible.

Par contre, le rongeur creuse des tunnels dans les berges. Accessibles sous l'eau sous seulement, ils restent la plupart du temps invisibles. «Nous avons constaté un jour la présence d’un tunnel après qu’un camion se soit enfoncé dans la route au bord du canal de l’Emme, raconte Marcel Tschan. Le canal s’étendait sur 20 mètres sous la surface du sol.»

«Le castor est un animal indigène protégé, il n’est pas chassé», explique pour sa part Reinhard Schnidrig. Du reste, il ne perçoit pas l’homme comme un ennemi, au contraire du meilleur ami de celui-ci: le chien.

A la fin des années nonante, le dernier recensement des castors faisait état de la présence de 400 à 500 individus sur territoire suisse. Et les nombreuses observations de ces dernières années indiquent que cette population augmente.

On se situe actuellement dans la fourchette des 500 à mille individus, comme devrait du reste le montrer un nouveau comptage prévu l’hiver prochain, estime Reinhard Schnidrig.

Habitué à l’homme

Le castor cohabite désormais très bien avec l’être humain. Il en fait même parfois un peu trop. Il y a cinq ans par exemple, à la faveur de hautes eaux, l’un d’eux est entré en ville de Soleure avant de s’installer au siège du gouvernement. Bien vite, qui de droit l’a ramené dans l’Aar...

«Plus sa population croît et plus le castor perd sa timidité et vient s’installer à proximité des villes, explique Marcel Tschan. Il apprend vite.»

swissinfo, Etienne Strebel
(Traduction et adaptation: Pierre-François Besson)

Faits

Le castor eurasien (castor fiber) est le troisième plus gros rongeur de la planète. Il peut atteindre 20 à 30 kg et mesurer de 80 cm à 1 m de long, dont 30 à 40 cm pour sa seule queue.
Ses principaux signes distinctifs sont ses quatre incisives et sa queue aplatie qui lui sert de gouvernail.
Une famille de castor a besoin de 0,5 à 3 km de rives pour vivre. Une zone que le rongeur marque a l’aide de ses glandes à musc.
Le castor se nourrit de végétaux – écorces, branchages, feuillages et racines.
Il n’hiberne pas et constitue des réserves en vue de la mauvaise saison.
Les couples de castors sont fidèles leur vie durant. Après une gestation de 105 jours, un à cinq petits naissent en avril/mai. Leur mère les allaite pendant trois mois.
Les jeunes restent deux ans auprès de leurs géniteurs avant d’aller chercher fortune ailleurs.
Le castor peut vivre entre quinze et vingt ans.

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