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La Suisse révèle son passé 'scandaleux'

Une exposition qui évoque l’évolution de la communauté gay en Suisse (swissinfo). ledsom

A Zurich, une exposition intitulée «Unverschämt» lève le voile sur le passé de l'histoire homosexuelle en Suisse.

Ce contenu a été publié le 30 octobre 2002 minutes

Photos, illustrations, interviews constituent une chronique de la vie gay de 1936 à nos jours.

1836 est une date charnière dans l'histoire homosexuelle helvétique. Car c'est cette année-là que l'écrivain Henrich Hössli publie un livre précurseur: «Eros».

«Hössli fut le premier, dans la société chrétienne occidentale, à décrire l'homosexualité comme une variante normale de la sexualité, s'opposant ainsi là la vision traditionnelle qui voyait dans les homosexuels des pécheurs, des criminels ou des malades», constate l'organisateur de l'exposition, Ernst Ostertag.

De l'ostracisme à l'ouverture

Douze ans avant la promulgation de la constitution suisse moderne, les idées de Hössli avaient une bonne longueur d'avance sur leur temps. Mais, frappé d'ostracisme par ses concitoyens, il dut émigrer aux Etats-Unis et y mourut dans la solitude et la pauvreté.

Les différentes sections de l'exposition témoignent toutefois d'un changement progressif d'attitude. Ainsi, en 1938, le Parlement suisse passe une loi décrétant que l'homosexualité entre adultes n'est pas un crime punissable. La Suisse devient alors le premier pays à décriminaliser celle-ci.

En 1940, après la chute de la France face aux nazis, Zurich en particulier apparaît comme un lieu de refuge, une zone de sécurité, pour les homosexuels qui fuient le fascisme des états voisins.

Les couvertures colorées du très révolutionnaire magazine «Der Kreis», ainsi que des affiches de cabaret ou des photos de théâtre illustrent cette période, comme un hommage à la liberté dont jouissait le Zurich d'alors.

Le retour de la répression

Une situation qui n'allait pas durer. En 1957, le meurtre de deux homosexuels d'extraction bourgeoise par des prostitués fit l'effet d'une bombe. Les médias comme la police associèrent désormais de plus en plus aisément homosexualité et crime.

«L'une ces victimes était le compositeur Robert Oboussier, connu pour sa musique d'église et ses opéras», rappelle Ernst Ostertag.

«Lorsqu'on apprit qu'il était homosexuel, plus personne ne joua sa musique! Nous avons retrouvé quelques enregistrements réalisés peu avant sa mort. Les visiteurs peuvent les entendre», ajoute-t-il.

Egalité des droits

Après les œuvres classiques d'Oboussier, les visiteurs peuvent se plonger dans du rock lesbien. L'exposition se concentre alors sur les années 60 et 70, avec les revendications pour l'égalité des droits. Puis intervient l'explosion dévastatrice du Sida, au milieu des années 80.

«La Suisse a été frappée beaucoup plus durement par l'irruption du Sida que d'autres pays européens», constate Ernst Ostertag. «Peut-être parce que cette population gay était relativement riche. Beaucoup d'hommes s'envolaient par exemple en Californie pour y pratiquer le tourisme sexuel. Que ce soit pour cette raison ou pour d'autres, le taux d'infection a été terrible».

«Mais la Suisse était aussi au premier rang en matière de réaction. L'accent a été placé sur la solidarité pour les victimes et sur la question des mesures préventives. Une démarche qui a été soulignée par l'Organisation Mondiale de la Santé, qui évoque volontiers le succès du ''modèle suisse''».

La culture de l'arc-en-ciel

La section finale de l'exposition propose une célébration multicolore de ce que les organisateurs nomment «la culture de l'arc-en-ciel» des années 1990. En décrivant notamment les campagnes et les batailles en cours des diverses communautés gays de Suisse.

Les persécutions que subit Heinrich Hössli, dans les années 1830, paraissent soudain très loin. Néanmoins, il est difficile de prévoir comment une société peut évoluer. «Il n'est pas impossible qu'un jour, les gays doivent à nouveau mener leur vie secrètement, derrière des volets clos», s'inquiète Ernst Ostertag.

«Le plus important, c'est d'être en état d'alerte. Parce que la démocratie n'est pas quelque chose qu'on atteint d'office, quelque chose qui vous est donné. La seule façon de faire fonctionner la démocratie, c'est de lutter constamment pour elle».

swissinfo / Mark Ledsom à Zurich

L'exposition «Unverschämt» se tient au «Stadthaus» de Zurich jusqu'au 18 janvier.

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