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La Suisse n'agit plus au Rwanda les yeux fermés

Des croix pour ne pas oublier les victimes du génocide. Keystone

La Confédération participe aux commémorations organisées à Kigali, dix ans après le génocide qui a ravagé le Rwanda.

Ce contenu a été publié le 07 avril 2004 - 08:33

Ce qui n’empêche pas le gouvernement suisse de dénoncer le caractère autoritaire du gouvernement rwandais et de conditionner son aide à l’ouverture du régime.

Plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement – essentiellement africains – pnt participé mercredi à la cérémonie organisée par les autorités rwandaises en mémoire des quelque 800'000 personnes massacrées il y a dix ans.

La Suisse, elle, n’a pas boudé la commémoration. La Confédération était en effet représentée par Walter Fust. Le patron de l’agence helvétique de coopération (DDC) a retrouvé sur place d’autres personnalités suisses comme les parlementaires Jean Nils de Dardel et Pierre-François Veillon.

«En participant à cette commémoration, la Suisse entend montrer l’importance qu’elle accorde au Rwanda», précise Pierre Combernous.

«Et puis, faut-il le rappeler, ce génocide constitue l’une des plus grandes tragédies du 20ème siècle », ajoute l’ambassadeur suisse pour le Kenya et le Rwanda.

Or, comme l’a rappelé le président rwandais, la communauté internationale n’a rien fait, à l’époque, pour interrompre ces massacres. Paul Kagamé estime même que cette inaction était délibérée.

Sans aller jusque là, plusieurs gouvernements ont reconnu avoir sous-évalué les cris d’alarme lancés, avant même le déclenchement du génocide.

«Je croyais à l'époque que je faisais de mon mieux. Mais j'ai réalisé après le génocide que j'aurais pu et dû faire plus pour tirer la sonnette d'alarme et obtenir de l'aide», a admis, de son coté, le Secrétaire général des Nations Unies.

En 1994, Kofi Annan dirigeait en effet les opérations de maintien de la paix de l'ONU. «La communauté internationale a pêché par omission», a reconnu le Ghanéen.

Examen de conscience helvétique



Un jugement que la Suisse reprend à son compte. «A l’instar des autres pays engagés au Rwanda, la Suisse n’a pas su détecter les préparatifs du génocide», juge Adrian Schläpfer, vice-directeur de la DDC.

«Ses programmes de développement, ajoute-t-il, ne prenaient pas suffisamment en compte les dynamiques politiques, sociales et économiques à l’œuvre dans le pays.»

Le responsable de la DDC reprend ainsi l’évaluation formulée en 1996 par un groupe d’étude mandaté par le ministère suisse des Affaires étrangères.

«Ce que les experts suisses savaient de la langue, de la mentalité et de l'histoire rwandaises n'allait assurément pas au-delà de quelques notions pratiques et observations stéréotypées», assène aussi le rapport du groupe dirigé par Joseph Voyame, ancien responsable de l’Office fédéral de la justice.

Mais le rapport souligne également l’importance et le rôle historique joué par la coopération helvétique, dès les premiers jours du Rwanda indépendant.

C’est en effet le premier président du Rwanda – très proche de l’évêque valaisan André Perraudin – qui a demandé à la Suisse de soutenir le développement économique du pays.

Ce qu’elle fit rapidement et de manière massive (près de 300 millions de francs entre 1963 et 1993). Le Rwanda a été ainsi l’un des premiers pays à bénéficier de la coopération helvétique.

Les conseillés suisses de la présidence rwandaise



Le président Grégoire Kayibanda a également obtenu de la Confédération des conseillers attachés à la présidence rwandaise et payés par la DDC.

Plusieurs diplomates et experts suisses ont donc occupé cette fonction. Et ce, jusqu’en 1993.

Quelques mois avant le génocide de 1994, Temps présent – la célèbre émission de la Télévision suisse romande – a consacré d’ailleurs un reportage dithyrambique à l’action de la Suisse au Pays des milles collines.

Une coopération déjà attachée à la démocratisation du pays et à l’établissement de l’Etat de droit.

Selon la DDC, ces critères sont aujourd’hui encore plus clairement affirmés.

La Confédération conditionne en effet la poursuite de son engagement au Rwanda (6 millions en 2003) à la mise en œuvre effective du multipartisme et au renforcement de l’Etat de droit.

Une société marquée par les séquelles du génocide



«Pour l’heure, le régime en place à Kigali reste autoritaire et le multipartisme n’est qu’une façade. Profondément marquée par le génocide, la société rwandaise n’est pas encore prête à gérer une véritable pluralité politique», avertit Pierre Combernous.

Et le diplomate d’ajouter: «Au vu de nos manquements passés et par respect pour les victimes du génocide, la Suisse ne peut plus se taire, si elle constate une détérioration de la situation».

Selon Pierre Combernous, ces critiques n’entament pas les bonnes relations qu’entretiennent actuellement les deux pays.

Et l’ambassadeur de conclure: «Nous avons des discussions franches et ouvertes avec le gouvernement rwandais. Reste à savoir si nous serons entendus».

swissinfo, Frédéric Burnand

En bref

- Les dates-clé

- En 1962, l’indépendance du Rwanda consacre la revanche de la caste des Hutu sur celle des Tutsi, victimes par la suite de massacres.

- En 1990, la diaspora tutsie menée par Paul Kagamé lance depuis l’Ouganda une offensive militaire contre le gouvernement rwandais dirigé par le président Juvénal Habyarimana.

- Le 6 avril 1994, l’avion du président rwandais est abattu. Le génocide démarre dans les heures qui suivent cet attentat.

- Quelques 800'000 Rwandais sont systématiquement tués jusqu’à la prise du pouvoir par le général Paul Kagamé, le 4 juillet 1994.

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