L'ombre de la Suisse plane sur le procès Elf
A l'exception de Roland Dumas, ancien ministre français des Affaires étrangères, les autres acteurs de l'affaire Elf, jugés à partir de lundi à Paris en correctionnel, ont travaillé ou gagné de l'argent à Genève.
Depuis quatre ans, les révélations sur la gestion de la compagnie pétrolière Elf Aquitaine ne quittent que rarement la première page de la presse française.
Entre 1989 et 1993, près d'un milliard de francs suisses aurait disparu des caisses de la plus grande entreprise nationalisée de l'Hexagone. En d'autres termes, cet argent a été sorti d'une façon ou d'une autre de la poche des contribuables français.
Pour le quotidien parisien Libération, le succès médiatique de l'affaire Elf tient essentiellement dans la révélation d'un grand vaudeville, «Roland et Christine». Comprenez l'ancien ministre Roland Dumas, et sa maîtresse Christine Joncour, née Deviers.
Si le principal acteur de ce procès n'a apparemment aucun lien avec la Suisse, en revanche, «La putain de la République», pour reprendre sa propre expression, était salariée d'Elf Aquitaine International, une société basée à Genève.
Christine Deviers-Joncour aurait perçu, selon la justice française, 16 millions de francs suisses pour un travail qui reste difficile à définir: la maîtresse de Roland Dumas ne possédait ni bureau, ni secrétariat dans les locaux d'Elf Aquitaine International.
Les autres acteurs de ce procès sont Loïk Le Floch-Prigent, patron de la compagnie pétrolière, son bras droit, Alfred Sirven, ancien résident à Genève - en fuite aux Philippines - André Tarallo, ex-patron d'Elf Gabon, toujours domicilié sur les bords du lac Léman, et Jean-Claude Vauchez, administrateur d'Elf Aquitaine International.
Ajoutez Gilbert Miara, un autre amant de Christine Deviers-Joncour, soupçonné de lui avoir prêté l'un de ses comptes en Suisse. Bref, tous les montages financiers du plus grand scandale de l'ère Mitterrand se sont élaborés en Suisse.
L'argent ne passait pas que par Genève. Paul Perraudin, le juge suisse qui suit le dossier depuis 1997, a retrouvé des circuits empruntant les villes de Lausanne, de Zurich et de Lugano. Ensuite, les plus gros montants s'évaporaient généralement vers des paradis fiscaux, et notamment vers le Liechtenstein.
Mais contrairement à la justice suisse, qui a joué un rôle majeur pour débrouiller cette affaire tentaculaire, celle de Vaduz n'a toujours pas trouvé le temps de répondre aux commissions rogatoires internationales adressées par Paris et Genève.
Ian Hamel

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