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L'ombre de l'Apartheid plane toujours sur la Suisse

La dette contractée à l'époque par l'ancien régime pèse aujourd'hui lourdement sur l'Afrique du Sud. Keystone

La Suisse s'engage en faveur des plus démunis en Afrique du Sud. Pour autant, elle n'est pas prête à faire toute la lumière sur ses relations avec le régime de l'Apartheid.

Ce contenu a été publié le 02 février 2001 minutes

Souvenez-vous, c'était en 1999. Suite à plusieurs révélations, le monde politique s'est penché sur les relations de la Suisse avec le régime ségrégationniste de Prétoria.

A l'époque, la gauche avait même proposé la création d'une Commission d'historiens, sur le modèle de la Commission Bergier. Mais au Parlement, la majorité bourgeoise avait fait capoter le projet.

Du coup, le soufflé est retombé. Le Conseil fédéral a finalement chargé le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) d'approfondir cette question. Mais sans lui donner réellement les moyens de mener convenablement ses recherches.

Le gouvernement n'a en effet accordé que deux millions de francs aux scientifiques. Qui en demandaient le double.

En outre contrairement aux chercheurs de la Commission Bergier, ceux du FNS n'ont pas obtenu le droit d'accéder librement aux archives.

Dès lors, selon le député socialiste genevois Nils de Dardel, le Conseil fédéral risque d'être restrictif avec les documents des services de renseignements et de la police. Ceux qui pourraient intéresser justement les chercheurs du FNS.

Une crainte partagée par Laurent Goestchel, membre du groupe d'experts du FNS. Qui déclarait en 1999 déjà: «personnellement, j'ai l'impression que le gouvernement souhaite se débarrasser de cette affaire sans trop d'éclats politiques». Des propos qu'il confirme aujourd'hui.

Egalement déçus, les Socialistes ont, de leur côté, soutenu un «Groupe de recherche Suisse-Afrique du Sud», dont les résultats ont été publiés en décembre dernier.

Côté officiel, on en n'est pas aussi loin. Quatorze projets de recherche ont déjà été soumis au FNS. Les propositions retenues seront connues cet automne.

«Avec la somme accordée à ce projet, il est impossible de collaborer avec des experts étrangers, ou encore d'aller sur place», explique Mascha Madörin, économiste spécialisée dans les relations entre la Suisse et l'Afrique du Sud.

Auteur de plusieurs études sur cette question, Mascha Madörin juge «ridicules» les moyens donnés aux scientifiques. Et regrette que la Suisse ne fasse pas toute la lumière sur son passé. Comme pour l'affaire des Fonds juifs.

Mascha Madörin avance plusieurs explications. Premièrement, l'Afrique du Sud ne peut pas exercer des pressions aussi importantes que celles des puissants lobbies juifs et américains. Même si le mouvement de contestation prend de l'ampleur en Afrique du Sud.

Deuxièmement, les personnes impliquées dans cette affaire sont toujours en vie. Et parfois même en poste.

Et finalement, l'histoire du racisme envers l'Afrique ne fait pas encore partie des préoccupations. Aussi bien en Europe qu'en Suisse. Et l'économiste de donner un autre exemple: celui des relations entre la Suisse et l'Unita, en Angola.

Pourtant, les enjeux de cette réflexion sont importants. Nils de Dardel mentionne par exemple la «dette odieuse» contractée au temps de l'Apartheid, qui pèse, aujourd'hui plus que jamais, lourdement sur l'avenir de l'Afrique du Sud.

Caroline Zuercher

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