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L'héritage Bertossa

Bernard Bertossa, pourtant disponible, n'intéresse ni la Confédération, ni les cantons. Keystone Archive

Procureur général de Genève depuis 1990, Bernard Bertossa prend sa retraite. Un magistrat d'exception qui a contribué à façonner une autre image de la Suisse à l'étranger.

Ce contenu a été publié le 31 mai 2002

«Corrompre est devenu en Europe un loto où l'on gagne le pactole neuf fois sur dix, en toute impunité». C'est la première phrase de présentation de «La justice ou le chaos», le livre de l'ancien journaliste français Denis Robert, qui va promouvoir en 1996 le fameux Appel de Genève. Un coup de gueule de sept juges et magistrats européens, dont le Suisse Bernard Bertossa.

Elu en 1990 procureur général de Genève, cet ancien président du Tribunal de police est devenu, en une décennie, l'un des Suisses les plus connus à l'étranger. La raison de son succès: la libre circulation des informations judiciaires. «Je considère que corrompre à Paris, Milan ou à Genève, c'est la même chose», répète-t-il.

La Tribune de Genève dans son édition de jeudi écrit que Bernard Bertossa a donné à l'étranger une image de Genève et de la Suisse qui a contrebalancé les clichés de type «paradis bancaire» et «refuge de l'argent noir».

Cinq années passées sur l'affaire Elf

Ce catholique, originaire d'une vallée italophone des Grisons, a accordé une place immense à l'entraide judiciaire internationale. Ni l'affaire Elf, ni les ventes illégales d'armes françaises à l'Angola, n'auraient connu de tels rebondissements sans la pugnacité des magistrats genevois.

Paul Perraudin, qui prendra lundi prochain ses fonctions de juge d'instruction fédéral, a consacré presque cinq ans de sa vie à démêler les intrigues d'une compagnie pétrolière française, occupée à corrompre les dignitaires de toute la planète.

Toutefois, les affaires russes et mexicaines notamment ont montré les limites d'une justice suisse qui souhaitait combattre le mal au-delà des océans. Comment condamner le blanchiment d'argent si les pays ne veulent pas, eux, lutter contre le crime?

Unanimement admiré, Bernard Bertossa n'a paradoxalement pas fait véritablement d'émules en Suisse. A l'exception de quelques magistrats vaudois ou bernois, les juges de la Confédération helvétique ne se distinguent toujours pas par leur pugnacité à combattre le crime organisé.

Pas de proposition d'emploi

A l'étranger, l'Appel de Genève a laissé des traces, mais n'a pas poussé à la création d'un parquet européen. Comme le remarque Renaud van Ruymbeke, juge d'instruction au pôle financier de Paris, et signataire de l'Appel, «50% des flux financiers mondiaux continuent de passer par des pays opaques».

Quant à Gherardo Colombo, substitut du procureur de Milan, et autre signataire de l'Appel de Genève, il constatait dans L'Hebdo qu'en ce qui concerne les délinquants en col blanc, «on a toujours des difficultés à obtenir des réponses rapides entre Etats européens». Dix ans après l'assassinat du juge antimafia Giovanni Falcone, la justice italienne a plutôt tendance à constater que la «Pieuvre» relève la tête.

Bernard Bertossa, qui aura 60 ans cette année, s'est dit à de multiples reprises disponible pour occuper une fonction moins exposée que celle de procureur. Alors que dans un pays voisin, il aurait croulé sous les propositions (la juge française Eva Joly a même été recrutée par son pays d'origine, la Norvège), le père de l'Appel de Genève n'a même pas été sollicité.

Ni la Confédération ni aucun canton ne s'est intéressé à ce magistrat d'exception. Même le Parti socialiste (dont il est membre depuis 1963) ne cherche pas à l'imposer. Comme si la Suisse n'avait finalement pas besoin de personnalités d'envergure.

swissinfo/Ian Hamel

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