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L'amorce d'un dialogue

Ignacio Ramonet, un esprit vif, non dénué d'humour. www.construire.ch

Pascal Couchepin et le directeur du Monde diplomatique Ignacio Ramonet ont croisé le fer jeudi à Berne. Au centre du débat: la globalisation et ses effets.

Ce contenu a été publié le 21 février 2002 minutes

Le débat contradictoire a eu lieu à la Bibliothèque nationale. Il était organisé par Avenir Suisse, une fondation soutenue par les quatorze plus grandes entreprises helvétiques et dont le but est de développer des idées dans les domaines de l'économie et de la société.

Ce débat de jeudi, intitulé «Globalisation: cancer ou force vive de l'économie mondiale?», constituait le point d'orgue d'une série de 26 controverses dont la première a eu lieu en octobre dernier. Toutes tournaient autour du thème «dé-régulation/re-régulation».

Des positions antagonistes

Les positions des deux orateurs du jour étaient pour le moins antagonistes. Le ministre suisse de l'économie Pascal Couchepin considère que la globalisation est une chance et qu'elle profite à tous, aux pays développés comme au tiers monde.

Le conseiller fédéral a notamment fait remarquer que toutes les périodes historiques où les échanges ont été nombreux furent synonyme de prospérité et de développement. A contrario, les phases de repli - par exemple les années 30 - ont conduit à des catastrophes.

Autre perception bien sûr du côté d'Ignacio Ramonet, qui outre sa fonction au Monde diplomatique est également président d'honneur d'Attac. Pour cet intellectuel marqué à gauche, l'actuelle globalisation libérale est nuisible pour les sociétés humaines et pour l'environnement. Le mercantilisme à outrance et la puissance incontrôlée de la finance débouchent sur un monde où les riches deviennent toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres.

Les deux hommes ont cependant au moins un point en commun. Ils ont toujours refusé d'exprimer leurs convictions auprès du camp adverse, par définition obligatoirement hostile, c'est-à-dire respectivement au Forum économique de Davos et au Forum social mondial de Porto Alegre.

Le débat contradictoire de Berne devenait du coup un moment fort. Animateur de la soirée, le journaliste Marc Comina, ne s'y est d'ailleurs pas trompé, qualifiant la rencontre d'exploit «historique».

Plus petit dénominateur commun

Un seul exemple: les causes du naufrage argentin. Pour Ignacio Ramonet, c'est la globalisation qui a conduit ce pays, pourtant élève modèle du Fonds monétaire international, à la banqueroute. Pour Pascal Couchepin, au contraire, les causes sont à rechercher du côté du protectionnisme des années Peron.

Les deux hommes n'ont semblé d'accord que sur deux questions, la nécessité de diminuer la dette du tiers monde et le problème de la fuite des cerveaux des pays en développement vers les pays industrialisés. Bref, ils n'ont guère trouvé que le plus petit dénominateur commun.

Festival d'effets

A défaut de consensus, les deux hommes se sont retrouvés sur le terrain de l'humour. Egal à lui-même, Pascal Couchepin a multiplié les piques, les bons mots et les mimiques à l'encontre de son contradicteur. Loin d'être un intellectuel austère, Ignacio Ramonet a joué dans le même registre, les mimiques en moins.

«J'en apprends des choses sur la Suisse, pays égalitaire, favorable à la dette du tiers monde et qui n'exporte pas d'armes», a par exemple lancé un Ignacio Ramonet légèrement ironique. «C'est l'avantage de voyager, Monsieur Ramonet, vous voyez qu'il vaut mieux venir en Suisse qu'aller à Cuba», lui a répondu le conseiller fédéral.

Ces joutes oratoires, assez nombreuses durant l'heure et demie de débat ont ravi le public. Qui a franchement ri à plusieurs reprises.

Dialogue à poursuivre

Au-delà des rires, reste à savoir si ce débat a eu une quelconque utilité, tant les positions semblaient inconciliables. Les deux principaux intéressés pensent que c'est le cas.

Pour Pascal Couchepin, «ce débat a permis de montrer que l'on peut trouver un certain nombre de sujet de discussion avec des personnes de bonne volonté».

Même son de cloche pour Ignacio Ramonet. «Il faudra désormais tenter de rapprocher les positions, a-t-il déclaré. Face à la globalisation, nous avons déjà connu trois phases: la prise de conscience, la protestation et les propositions. Il faut maintenant entrer dans une quatrième phase, celle du dialogue.»

Olivier Pauchard

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