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L'élection au Salon

swissinfo.ch

La littérature électorale est présente au Salon du livre de Genève. Et les invités ne manquent pas, qui peuvent nous apporter leur regard. Ainsi Luc Ferry et Hugues Aufray.

Ce contenu a été publié le 04 mai 2007 - 08:37

Points de vue d'un philosophe ex-ministre et d'un chanteur populaire à propos d'une politique française en mutation.

Si le Salon du Livre de Genève n'a pas organisé d'événement particulier ou de débat en marge de la présidentielle française, la littérature politique d'Outre-Jura fleurit sur les étalages des diffuseurs.

L'élection bénéficie en Suisse romande d'une énorme couverture médiatique. Quid de ses effets sur le livre? «Il est clair que nous diffusons les livres liés à la politique française en Suisse, mais dans une moindre mesure. Par contre, dès qu'un livre sort de la politique 'stricte' et traite de choses un peu plus sulfureuses, les ventes sont nettement meilleures», constate Pierre-André Pasquier, représentant des éditions Albin Michel auprès de Diffulivres.

Des exemples? «Sexus politicus» de Christophe Deloire et Christophe Dubois en 2006, ou «Chirac et les 40 menteurs» de Jean Montaldo.... Encore que «Mitterrand et les 40 voleurs» du même Montaldo avait fait nettement mieux, paraît-il, il y a une quinzaine d'années!

Un ex-ministre rue Flaubert

Promenade dans le salon. Chez Xo Editions, on rencontre ce jour-là un philosophe, Luc Ferry, ancien ministre de l'éducation du gouvernement Raffarin, qui dédicace son dernier ouvrage, «Familles, je vous aime: politique et vie privée à l'âge de la mondialisation».

La campagne présidentielle, il la vit hors du sérail, même s'il y a «quelques amis». Luc Ferry se réjouit de cette «très bonne campagne» et des résultats du 1er tour. Cela pour plusieurs raisons. Une droite républicaine «enfin décomplexée», qui ose annoncer des mesures impopulaires mais indispensables. Cela alors qu'auparavant, «le président Chirac en particulier avait fait des campagnes extrêmement démagogiques. Il était assez génial dans la conquête du pouvoir, mais assez médiocre dans l'exercice», relève l'ex-ministre.

Autres motifs de réjouissance pour Luc Ferry: la constatation que «Ségolène Royal est un peu plus sociale-démocrate que socialiste, et ça, cela va dans le bon sens!» Enfin: «Le fait que Le Pen, comme l'extrême gauche, aient perdu des voix. Le parti communiste à moins de 2%... moi je l'ai connu à 28%! C'est quand même un vrai bonheur!»

A gauche et à droite

Non loin de là, rencontre avec Hugues Aufray, venu quant à lui présenter un ouvrage intitulé «La jeunesse n'a pas d'âge» (Ed. Michel Lafon), dans lequel il expose la philosophie de vie qui l'accompagne.

Comment le chanteur suit-il l'élection? «C'est très important. Je n'ai jamais fait de politique, mais je me suis toujours intéressé à la vie de mon entourage et de mon pays. Je suis fondamentalement démocrate. Je crois qu'il y a des tendances majoritaires dans le monde et que, même si on n'est pas d'accord, il faut en tenir compte, les constater. Quelques fois lutter contre. Mais ne pas les mépriser», répond-il.

Alors quel candidat soutiendra Hugues Aufray? «En France, 90% des artistes votent à gauche, et ils ont raison: en tant qu'artiste, on a tout intérêt à être de gauche et tout à perdre d'être de droite», assène-t-il.

Avant de préciser: «Mais le courage aujourd'hui, ce n'est pas d'être de droite ou de gauche, c'est d'être vrai. C'est à dire de constater cela: la gauche de Ségolène n'est pas la gauche d'autrefois, et la droite de Sarkozy n'est pas la droite d'autrefois. Je veux dire par-là que, même s'il y a une différence entre les deux, on n'a pas le droit de tenir ce langage qui est de faire passer l'un pour un dictateur brutal, et l'autre pour une sainte. Ce n'est pas admissible».

On peut donc déduire que... «Oui, je vais soutenir Nicolas Sarkozy, parce que je ne vois pas en lui cet ennemi public. Je ne vote pas droite-gauche. Je vote pour une personne qui me paraît avoir une vision plus pragmatique. Je pense que Sarkozy peut être un Tony Blair français».

Des propos qui ne correspondent guère à l'image soixante-huitarde et dylanienne associée à Hugues Aufray... «Je n'ai jamais été un soixante-huitard. Et Dylan a pris de la distance par rapport à cette époque-là. Je suis un homme de gauche! Lutter contre le racisme, pour la justice sociale, pour l'égalité des salaires entre hommes et femmes, bien sûr. Mais je suis aussi pour la création d'universités privées, pour une libéralisation du mécénat par les impôts pour que l'Etat ne s'occupe plus de la culture....»

Bouleversement des cartes

Des gens de gauche qui votent à droite, François Bayrou qui sème le trouble au centre... Où en est-on, là? «Il y a 20 ans, il y avait une droite gaulliste jacobine, étatiste, anti-européennne et anti-libérale. Aujourd'hui, cette droite-là a complètement disparu. La droite républicaine n'est plus la même. Et si la gauche française n'ose pas encore se dire vraiment sociale-démocrate, elle va timidement dans ce sens-là», répond Luc Ferry.

«Or je crois qu'on aura un débat politique digne de ce nom – et c'est ce qui est en train de changer – quand on aura une droite républicaine anti-fasciste ET une vraie gauche sociale-démocrate. Actuellement, les 15% de l'extrême-gauche empêchent électoralement la gauche socialiste de se dire clairement sociale-démocrate».

Conséquence selon Luc Ferry: «A ce moment-là, le centre disparaitra». Car pour lui le phénomène Bayrou ne serait qu'un vote protestataire. «Si de vrais socio-démocrates - Dominique Strauss-Kahn, Michel Rocard - avaient pris le pouvoir au parti socialiste, jamais les gens de gauche ne seraient allés au centre, affirme-t-il.

Et si c'était Bayrou qui devait un jour représenter cette socio-démocratie? «Ce serait calamiteux, car il vient du libéralisme, et surtout parce qu'il n'y aurait plus d'alternance possible: l'alternance ne serait plus possible qu'avec les extrêmes!» s'enflamme le philosophe. Hugues Aufray, lui, imagine plutôt Bayrou – ou en tout cas le centre - absorber un jour le PS.

«Pendant 40 ans, dans les interviews, j'ai dit que je n'étais ni de gauche, ni de droite. Et on me disait: tu n'existes pas. Et effectivement, à cause de ça, j'étais très boycotté par la gauche et un peu boycotté par la droite. En France, héritage de la Révolution française, il faut être ou de gauche ou de droite. Et cela aujourd'hui, c'est terminé», conclut le chanteur.

En substance, on peut avoir le cœur à gauche et voter à droite. Ou être de droite et se référer à Jaurès, comme l'a fait un certain Nicolas Sarkozy...

swissinfo, Bernard Léchot à Genève

Faits

Le Salon international du livre et de la presse de Genève se tient jusqu'au 6 mai à Palexpo.
En marge de celui-ci se tiennent plusieurs autres événements: Salon africain, Europ'Art, Salon de l'étudiant, Japan Manga Festival.

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Luc Ferry

Luc Ferry est né en 1951 à Colombes, dans les Hauts-de-Seine.

Philosophe, il a notamment été attaché de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), professeur à l'IEP de Lyon, chargé de cours à l'École normale supérieure et aux universités de Paris I Panthéon-Sorbonne et Paris X Nanterre, Professeur de philosophie à l'université de Paris VII (Jussieu).

Il a été ministre de l'éducation nationale sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin entre 2002 et 2004.

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Hugues Aufray

Hugues Aufray (Jean Auffray) est né en 1929 à Neuilly-sur-Seine.

Après trois années passées à Madrid où habitait son père, il gagne la France et commence à chanter en espagnol, puis en français.

Il enregistre son 1er disque en 1959. Puisant ses sources dans le folklore espagnol, anglo-saxons et latino-américain, interprète francophone des chansons de Bob Dylan, il devient un chanteur extrêmement populaire dans les années 60 et ses chansons se muent en «classiques».

Sans avoir jamais réellement quitté le spectacle, il bénéficie ces temps d'un retour en grâce, aligne les concerts et prévoit un nouvel album pour l'automne.

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