Interview intégrale de Ruth Lüthi
A quelques heures de ces auditions décisives, tsr.ch a rencontré Ruth Lüthi.
Comment s'est-elle préparée? Quel message veut-elle faire passer? Comment a-t-elle vécu les attaques des derniers jours ? Interview.
tsr.ch : - Vous allez passer dans quelques heures des auditions devant les groupes parlementaires. Comment est-ce vous vous sentez physiquement et mentalement avant cette journée décisive?
Ruth Lüthi : - Je me sens très bien. Ce sont des moments qui déclenchent de l'énergie parce qu'on sait que c'est une période très importante. Si on est motivé de relever un nouveau défi, on sent aussi l'énergie que ça développe.
- Avez-vous également le sentiment que tout va se jouer mardi lors des "hearings"?
- Ca m'étonnerait. On dit toujours que c'est juste à la dernière nuit que les choses peuvent changer. Même si les "hearings" sont déterminants pour nous faire connaître, pour donner notre profil au groupe, je crois il y aura encore après beaucoup de discussions. Non, je ne crois pas que tout soit déjà joué et déterminé mardi soir.
- Comment est-ce que vous vous êtes préparée? D'une façon méthodologique?
- Il y a quand même un certaine méthodologie. Il faut réfléchir quels sont les thèmes le plus brûlants, surtout au niveau de la Confédération, quels sont les thèmes qui intéressent l'un ou l'autre groupe. Ces thèmes, il faut les préparer pour apporter des réponses, tout en restant fidèle à soi-même et tout en montrant également qu'on connaît les intérêts des autres.
"J'aimerais montrer mon expérience politique."
- Les auditions les plus importantes pour vous sont celles devant le PDC et les Radicaux. Quel sera votre principal message?
- Ecoutez, je ne vais pas encore dévoiler mes secrets, mes arguments... J'aimerais montrer mon expérience politique et ma manière de travail dans un gouvernement car je trouve que c'est peut-être encore plus convaincant que des promesses ou des intentions. Je vais également m'exprimer sur les sujets d'actualité politique, en disant quels sont mes objectifs mais aussi dans quel sens je suis prête et j'ai la volonté de collaborer avec les autres personnes qui partagent des responsabilités au plan politique.
- Le sujet de la politique familiale tient à cœur au PDC. Quel est la position que vous allez défendre sur ce point?
- Au niveau de la politique familiale, le parti socialiste n'est pas trop loin du PDC. Pour nous il a toujours été important de donner les moyens à la famille. Aujourd'hui, le PDC s'occupe de la famille sous toutes formes. C'est important la politique familiale, c'est la politique de la femme aussi. Il y a des aspects de formation, d'accueil pour les enfants, des aspects fiscaux : tous ces domaines nous préoccupent aussi.
"Le secret bancaire, il ne faut pas le supprimer en tant que tel."
- Vous êtes pour la suppression du secret bancaire et pour la réduction de 50% du budget de l'armée. Vous ne craignez pas de vous mettre la droite définitivement à dos?
- La réduction de la moitié du budget par rapport à quoi? Lorsqu'on voit ce qui s'est passé lors des dernières années, on a déjà pas mal réduit, et, avec «Armée XXI», on arrive déjà à ce niveau-là. Le secret bancaire, il ne faut pas le supprimer en tant que tel. Je tiens aussi à la protection des clients de la banque. Je suis ouverte pour discuter et négocier avec les pays voisins de collaborations dans le cas d'évasions et de soustractions fiscales.
- On dit souvent que les auditions sont une question de personnalité plutôt que de politique. Comment dès lors est-ce que vous vous situez sur le plan personnel par rapport à votre adversaire?
- J'espère que je peux aussi convaincre les groupes que je suis une femme déterminée, qui sait ce qu'elle veut, qui poursuit des objectifs, mais qui en même temps est capable de collaborer avec les autres. Je suis une femmes qui veut arriver à des consensus, si possible en travaillant pour des solutions qui soient aussi portées par des milieux important de notre pays.
- Si c'est le peuple qui devait trancher aujourd'hui, qu'est-ce que vous lui diriez pour qu'il vote pour vous?
- J'expliquerais surtout mon travail, mon bilan de conseillère d'Etat, pour leur montrer ce que j'ai fait, pour quels objectifs je me suis battue, comment j'ai collaboré avec les autres milieux. Ensuite, j'essayerais aussi de leur donner les objectifs qui me qui me tiennent à cœur au niveau de la Confédération .
"C'est vrai que peut-être je fais quelques erreurs quand je parle le français."
- Parlons de la polémique qui a éclaté à votre sujet en Romandie. Avant tout, est-ce que des articles ou des remarques vous ont blessé?
- Certains propos certainement. Si on vit depuis 30 ans en Suisse romande dans une ville majoritairement francophone, dans un canton majoritairement francophone, si on fait aussi partie de Fribourg, et le canton de Fribourg fait également partie de la Suisse romande, il est évident que je m'identifie aussi avec cette partie du pays. C'est vrai que peut-être je fais quelques erreurs quand je parle le français et que je ne suis pas née dans la région. C'est clair que ça fait mal. Mais heureusement, j'ai beaucoup d'autres échos de gens qui m'acceptent comme je suis. Et qui m'ont toujours soutenue et qui me soutiennent maintenant. Et ça me fait beaucoup plaisir qu'ils me reconnaissent absolument de pouvoir être une représentante de la Suisse romande à Berne.
- Comment est-ce que vous allez vous défendre sur ce point-là ? Vous allez dire que vous rêvez en français depuis quelques jours?
- Non, je reste honnête. Ce que j'ai toujours dit, c'est que ça m'arrive de rêver en français et en allemand. Je ne vais pas changer seulement pour plaire aux uns ou aux autres, changer mes opinions ou mes propos. Je vis entre les deux cultures ou plutôt avec les deux cultures. C'était un enrichissement aussi pour moi de pouvoir vivre à Fribourg, de pouvoir connaître la culture francophone. Et ce que j'apprécie à Fribourg, c'est ce que j'apprécie aussi en Suisse, où l'on vit avec quatre cultures, avec quatre langues.
"J'aimerais crééer des ponts entre la Suisse romande et la Suisse alémanique"
- Quel est votre message aux Romands qui estiment que vous n'êtes pas une des leurs?
- Je connais quand même bien les sensibilités romandes, je me suis déjà engagée pendant des année pour défendre les intérêts au niveau suisse dans des conférences, dans des commissions, au niveau de la Confédération. C'est ce que j'aimerais faire à l'avenir, créer des ponts entre la Suisse romande et la Suisse alémanique.
- Pour conclure, Ruth Lüthi, on vous présente souvent comme l'outsider de cette course. Quels sont les indices qui à l'heure actuelle vous font penser que vous serez élue le 4 décembre?
- J'ai toujours été convaincue que je réponds aux exigences de cette fonction. C'est pourquoi j'ai accepté d'être candidate, mais maintenant, c'est au Parlement de choisir. On verra le 4 décembre.
Propos recueillis par Peter Berni, tsr.ch

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