En économie, méfions-nous des chiffres
Les données statistiques qui alimentent les débats économiques sont souvent sujettes à caution.
Confirmation dans un ouvrage collectif réalisé sous la direction de Paul Dembinski, professeur à l'université de Fribourg. Interviewé par Frédéric Burnand
En apparence, rien n'est plus solide qu'une statistique pour fonder l'état d'une économie ou les échanges entre telle ou telle région du monde. Mais la réalité est bien plus complexe.
C'est fort de cette conviction que Paul H. Dembinski a dirigé la publication d'un manuel réalisé par l'Observatoire de la finance - basé à Genève - et l'Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (Unitar).
Guidé par deux questions - l'aspect novateur de la globalisation et son impact pour les pays du Sud -, cet ouvrage tente de relativiser la portée des chiffres et des statistiques.
Pour permettre aux experts de tenter de mieux comprendre la réalité qui se cache derrière.
swissinfo: Les débats sur la globalisation se font à grands coups de chiffres. Or vous dites qu'ils ne traduisent qu'une partie de la réalité.
Paul Dembinski: Ces chiffres sont très clairement ancrés dans les concepts occidentaux qui sont utilisés pour penser le monde et dans les institutions qui sont chargées de les collecter.
Or, en matière d'économie et de finance, il est clair que nos concepts du Nord ne correspondent pas vraiment aux modes de fonctionnement de sociétés plus traditionnelles. Qu'elles soient en Afrique, en Asie, en Amérique latine ou même en Europe de l'Est.
Il y a donc une grosse partie de la réalité socio-économique de la planète qui échappe aux statistiques.
swissinfo: Donc le Nord domine le Sud, y compris sur le plan statistique?
P.D.: Il y a une double asymétrie. D'abord, sur le plan conceptuel, comme je viens de l'évoquer. Ensuite, peu d'experts maîtrisent réellement les tenants et les aboutissants de ces chiffres.
Ainsi, un ministère des Finances aura tendance à obtenir telle ou telle donnée d'une institution internationale. Des chiffres qui figureront dans un document gouvernemental.
Ces données peuvent tomber du ciel. Pour autant, elles sont validées à la fois par l'institution et le gouvernement en question.
swissinfo: Vous déclarez également que les statistiques coûtent de plus en plus chers.
P.D.: En effet, la mise à jour de ces données statistiques implique de gros outils technologiques.
De plus, leur mise à jour coûte de plus en plus chers. On l'a vu dans le cas de l'unification européenne. On le voit avec l'ancien bloc communiste qui a dû complètement modifier son appareil statistique.
Enfin, l'établissement de ces statistiques implique une formation coûteuse qui est fournie uniquement par quelques grandes écoles occidentales.
Interview swissinfo: Frédéric Burnand
«Economie et finance globales, la portée des chiffres», sous la direction de Paul H. Dembinski, éd. Nations unies, 2003.

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