Quand les partis font la cour aux Suisses de l'étranger
Le nombre d’expatriés suisses inscrits sur les listes électorales ne cesse de croître. Dans la perspective des élections fédérales de 2015, ce potentiel intéresse les partis, lesquels s’efforceront une fois encore de s'assurer les voix de la Cinquième Suisse.
En 1992 lors de l'introduction du droit de vote Lien externepar correspondance, 14'000 Suisses de l'étranger figuraient sur les registres électoraux cantonaux. A fin 2013, leur nombre avait grimpé à plus de 155'000, soit l'équivalent de l'électorat d'un canton de moyenne dimension, comme le Valais ou le Tessin.
«La communauté des Suisses de l'étranger est considérable et continue à augmenter. Pour un parti, elle représente un atout à l'occasion des votations et des élections» souligne Thomas Jauch, responsable de la communication du Parti démocrate-chrétien (PDC).
Une présence en hausse
Quelques partis, comme l'Union démocratique du centre (UDC, droite nationaliste), sont particulièrement actifs à l'étranger. «Il y a sept ans, nous comptions 100 membres, aujourd'hui nous en avons environ 400. Nous avons des sections en Espagne, au Costa Rica, en Côte d'Ivoire et en Afrique du Sud, et nous projetons d'en ouvrir aux Etats-Unis et au Liechtenstein», explique Miriam Gurtner, secrétaire de l'UDC internationale.
Ces cinq derniers mois, le Parti socialiste (PS) international, fort d'une centaine d'adhérents, a ouvert des antennes à Paris, Berlin, Rome, Tel Aviv et Buenos Aires. «Nous avons pour objectif de sortir du cercle des membres et d'impliquer davantage la communauté suisse», relève de son côté Walter Suter, président de la section internationale du PS.
Pour sa part, le Parti libéral radical (PLR) international compte environ 120 membres. «Nous enregistrons une vingtaine de membres supplémentaires par année, nos effectifs sont donc en hausse», souligne François Baur, son président.
En revanche, pour des raisons financières, le PDC, le Parti bourgeois démocratique (PDB) et le Parti écologiste suisse ont renoncé à la création de sections internationales. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu'ils ont oublié les expatriés: «un responsable des Suisses de l'étranger siège au sein de la présidence de notre parti» explique encore Thomas Jauch, porte-parole du PDC.
Pas seulement sur le web
En vue des élections fédérales d'octobre 2015, les partis sont donc en train de peaufiner leurs stratégies pour tenter de faire brèche parmi les expatriés.
Les réseaux sociaux, internet et la documentation envoyée par la poste joueront un rôle important dans la campagne électorale. Cependant la communication à distance ne remplacera pas le traditionnel contact direct: «l'année prochaine nous prévoyons de participer, pour la première fois, au Congrès des Suisses de l'étranger», indique Caroline Brennecke, coordinatrice romande du PBD.
«Nos députés au parlement interviennent régulièrement lors de réunions dans les ambassades ou auprès des associations suisses de l'étranger, par exemple durant la fête nationale du 1er Août», ajoute Thomas Jauch.
Toujours plus de candidats «étrangers»
Afin de convaincre davantage ce corps électoral, quelques partis proposeront une fois encore des membres de la diaspora comme candidats dans certains cantons. Une stratégie toujours plus en vogue: en 1999, un seul candidat «étranger» figurait sur les listes, en 2003 il y en avait 17, en 2007 44 et en 2011, 81Lien externe.
Disons-le: leurs chances d'être élus sont pratiquement nulles. En Suisse, il n'existe en effet aucune circonscription électorale réservée aux Suisses de l'étrangers comme c’est en revanche le cas en Italie par exemple. Les candidats doivent ainsi s'inscrire sur les listes cantonales. «La notoriété de la personne joue bien sûr un rôle fondamental, explique Miriam Gurtner. Quelques candidats ont cependant obtenu des résultats tout-à-fait respectables», précise la secrétaire de l'UDC internationale qui, en 2011, avait aligné 50 expatriés dans huit cantons différents.
Pour les Verts, de telles listes permettent d'améliorer la collaboration internationale avec les partis jumeaux. «En 2011, les Verts genevois ont présenté une liste apparentée des Verts transfrontaliersLien externe: C'était certainement une bonne stratégie, aussi pour améliorer la collaboration avec les Verts en France. Nous pouvons en profiter aujourd'hui par exemple dans la campagne contre le gaz de schiste», indique Miriam Behrens, secrétaire générale des Verts.
Lorsqu'un parti n'a pas ou peu de candidats expatriés, comme par exemple le PLR en 2011 (une seule candidate dans le canton de Zurich), il peut tabler sur un autre registre. «En tant que PLR international nous avons promu des candidats figurant sur les listes cantonales qui se sont activement et expressément engagés pour la cause des Suisses de l’étranger, créant ainsi une ‘liste virtuelle’», explique François Baur.
Il est bien évident que le résultat global d'une élection n'a jamais été chamboulé par le vote des Suisses de l'étranger. Cependant, comme l'observe Ariane Rustichelli, co-directrice de l'Organisation des Suisses de l'étranger (OSE)Lien externe, le seul fait de parvenir à attirer les suffrages des expatriés peut parfois permettre à un parti de «faire la différence».
«Tous les votes comptent dans un système proportionnel comme le nôtre», remarque Walter Suter. Nous avons eu un cas concret dans le canton de Genève, où les quelque 500 voix obtenues par les candidats de la liste internationale ont permis de conserver le troisième siège du PS.»
Thèmes en évidence
«Ces candidatures permettent aussi et surtout aux Suisses de l'étranger de se faire connaître et de mettre en évidence certains thèmes chers à la diaspora», souligne Ariane Rustichelli.
«Durant la campagne, les listes de l'UDC internationale ont permis d'illustrer les requêtes des Suisses de l'étranger, requêtes qui passent souvent en second plan lors des débats politiques», déclare Miriam Gurtner.
Tout cela semble porter ses fruits. Ainsi une des sept revendications présentées dans le «Manifeste électoral de 2011» de l'OSE vient de se concrétiser: en septembre, le Parlement a en effet définitivement approuvé la Loi sur les Suisses de l'étranger laquelle rassemble en un seul texte toutes les dispositions concernant les émigrés.
L'exercice des droits politiques s'est aussi amélioré. «Pour les élections de 2015, nous ne disposerons pas encore du vote électronique Lien externegénéralisé comme nous l'avions demandé. La plus grande partie des Suisses de l'étranger pourra toutefois utiliser la fonction e-voting», explique Ariane Rustichelli.
Côté restructuration, la vague de fermetures des agences consulaires est retombée. «Plusieurs interventions parlementaires ont été déposées contre ces fermetures et dans près de la moitié des cas, elles ont été acceptées», note encore Mme Rustichelli.
Une autre point sensible concerne la possibilité pour les Suisses de l'étranger d'ouvrir un compte bancaire dans leur patrie d'origine. Depuis le début de la crise financière en 2008 et à la suite des pressions exercées par les autorités américaines contre l'évasion fiscale, de nombreuses banques suisses n'acceptent plus les dépôts des expatriés.
Une situation qui pourrait peut-être rapidement changer. En septembre, la Chambre du Peuple a en effet accepté, contre l'avis du gouvernement, une motion du député UDC Roland BüchelLien externe, également membre du Conseil des Suisses de l'étranger, demandant de garantir à tous les expatriés la possibilité d'ouvrir un compte auprès de Postfinance, l'institut bancaire de la Poste suisse. La proposition doit encore surmonter l'écueil du Conseil des Etats. Une autre motion est en cours d'élaboration pour faire de même avec les banques 'too big to fail'. Un thème, confirme Miriam Gurtner, qui sera sans aucun doute au centre de la campagne de son parti en vue des élections fédérales de l'année prochaine.

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