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Top managers: on apprend mieux entre femmes

Les femmes sont encore rares parmi les cadres. imagepoint

L’une des meilleures écoles de managers au monde, l’IMD de Lausanne, a décidé d’organiser un cours réservé aux femmes. Avec des résultats positifs.

Ce contenu a été publié le 04 février 2005 minutes

Il s’avère que les entreprises comptant plus de femmes à des postes supérieurs font de meilleurs résultats. Une bonne raison de les aider à faire carrière.

L’International Institute for Management Development (IMD) de Lausanne n’est certainement pas connu pour le nombre de femmes inscrites à ses cours. Mais cette situation ne fait que refléter la réalité du monde du travail: les cadres féminins sont encore rares, surtout au sommet des hiérarchies.

Cet état de fait ne désavantage pas que les femmes, mais aussi l’économie elle-même. La recette de l’IMD pour contribuer à promouvoir les carrières féminines? Un cours réservé exclusivement aux femmes. A l’initiative de Martha Maznewski, une Canadienne qui enseigne aux Etats-Unis et à l’IMD.

swissinfo: Cela fait des années que l’on insiste sur l’égalité entre hommes et femmes. En proposant ce cours au féminin, vous mettez l’accent sur la différence. Pourquoi?

Martha Maznewski: Nous vivons dans un monde où l’on accorde une valeur équivalente aux hommes et aux femmes, mais pour des raisons différentes.

Dans le monde de l’économie, il y a 20% de femmes à occuper une fonction dirigeante. Aux niveaux véritablement supérieurs (senior manager), elles ne sont plus que 5%. Si, dans le monde des affaires, les femmes et les hommes devaient vraiment être à égalité, il faudrait arriver à une proportion d’environ 50%.

Les chiffres ne bougent pas depuis 20 ans, malgré les changements qui sont intervenus dans la société. Nous nous sommes donc dit qu’il fallait faire quelque chose.

swissinfo: En quoi les différences entre les sexes peuvent-elles justifier l’organisation de cours spécifiques?

M. M.: Pour le monde des affaires, il y a deux différences importantes, scientifiquement prouvées. La première est que les hommes pensent sur un mode linéaire, cherchant à arriver droit au but. Les femmes, elles, ont une pensée «parallèle», réussissant à faire plus de choses simultanément.

La seconde différence concerne le mode d’interprétation des relations. Les hommes préfèrent penser en termes de hiérarchie, alors que les femmes ont une plus grande propension à penser en termes de groupe (communities).

Aucune des deux façons d’être n’est meilleure que l’autre. Si l’on considère les exigences des entreprises, force est de constater que les deux sont nécessaires.

swissinfo: Le contenu du cours n’est guère différent des programmes ouverts à tous. Qu’est-ce qui change, dans une classe exclusivement féminine?

M. M.: C’est la dynamique de groupe qui change. Quand les femmes sont minoritaires dans un groupe d’hommes, elles pratiquent des processus d’apprentissage différents.

Le fait d’être en minorité crée un phénomène appelé «tokenisme». La femme a l’impression de représenter toutes les autres femmes. En conséquence, elle craint beaucoup plus d’exprimer ses sentiments ou de paraître stupide.

La majorité, en l’occurrence les hommes, relève les points faibles plutôt que les succès. En effet, dans un groupe, la majorité ne perçoit pas l’individu comme tel, mais comme un représentant de la minorité. Et les attentes du groupe sont beaucoup plus exigeantes.

A l’IMD, nous avons remarqué que, quand il y a des femmes, et que celles-ci sont forcément en minorité, elles n’osent pas poser les questions qu’elles aimeraient poser et ne se comportent pas de la même manière que si elles étaient seules. Si, par contre, on les met dans un groupe de femmes, elles n’ont plus besoin de représenter toutes les femmes et peuvent être elles-mêmes.

swissinfo: Avez-vous eu des difficultés à convaincre les entreprises d’inscrire leurs managers à ce cours?

M. M.: Non, pas du tout. Cela a été beaucoup plus difficile de convaincre les femmes. Elles avaient l’impression qu’on leur disait qu’elles avaient quelque chose qui clochait, qu’il fallait les corriger et les diriger vers une autre voie.

Les dirigeants ont compris que les entreprises ont besoin de diversité et qu’il faut changer les structures, nées de normes et de modèles masculins. Du reste, une étude démontre que les entreprises qui comptent plus de femmes aux positions clé obtiennent de meilleurs résultats financiers.

Mais, au niveau immédiatement inférieur, il y a encore des résistances. Les cadres intermédiaires ne veulent pas changer leur mode d’organisation, ils disent: «Avec cette structure, nous avons obtenu des résultats. Pourquoi devrions-nous changer?»

swissinfo: Ainsi donc, l’IMD a mis sur pied le premier cours exclusivement réservé aux femmes. Avec quels résultats?

M. M.: Excellents. L’énergie manifestée dans la salle était incroyable. Le dernier jour, les participantes ont admis qu’elles n’avaient jamais connu tant de diversité. Cela a changé leur manière de se voir elles-mêmes en tant que managers. Elles ont été capables de se voir comme des individus forts.

D’habitude, après les cours, les gens rentrent à la maison, échangent quelques courriels et les choses en restent là. Avec ce groupe, c’est différent. Après trois mois, toutes sont encore en contact étroit. Elles échangent des messages sur la manière dont elles ont mis en pratique le contenu des cours pour obtenir de bons résultats dans l’entreprise et sur le plan personnel.

Le programme n’a débuté qu’en automne et il est encore trop tôt pour dire quelle influence il a exercé sur le fonctionnement des grandes entreprises. Les feed-back ne commencent à arriver que maintenant.

Mais le fait que des entreprises telles que Nestlé, Philip Morris, Zurich, Swisscom ou Japan Tobacco International ont envoyé des femmes suivre ce cours est un indice très net de l’intérêt pour ce genre d’initiative.

Interview swissinfo, Doris Lucini
(Traduction de l’italien: Isabelle Eichenberger)

Faits

Octobre 2004: 39 managers participent au premier cours proposé par l’IMD exclusivement à des femmes.
Une étude démontre que les entreprises qui comptent beaucoup de cadres féminins ont une efficacité de 35% supérieure à celles qui en comptent peu.
Il y a 20% de femmes cadres.
Il y a 5% de femmes cadres supérieurs.

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En bref

- L’institut IMD (International Institute for Management Development) de Lausanne est né en 1990 de la fusion des écoles fondées par Alcan et Nestlé. Il est actif dans trois secteurs: l’enseignement, la recherche et la consultance d’entreprise.

- Le Financial Times l’a classé numéro un européen et au 4e rang mondial.

- Chaque année, environ 90 personnes y obtiennent un Master of Business Administration. 5500 managers, en provenance de plus de 70 pays, viennent s’y perfectionner. L’école compte déjà 50'000 anciens étudiants, dont seulement 700 femmes.

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