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L’accord entre l’Inde et la Suisse prend du retard

Anand Sharma, ministre indien du commerce (à droite), s'entretient avec Francis Gurry, directeur général de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Keystone

Initié en 2007, l’accord de libre-échange entre la Suisse et l'Inde bute sur la protection des brevets voulue par l’industrie pharmaceutique. Pour être conclu, le contrat commercial doit aussi attendre la nomination d’un nouveau gouvernement à New Delhi.

Ce contenu a été publié le 24 février 2014
Priti Patnaik, Genève, swissinfo.ch

Le ministre suisse de l'Economie Johann Schneider-Ammann l’avait annoncé le mois dernier: la signature de l’accord va prendre du retard, l’Inde entrant dans une longue période d’élections générales.

«Il a été convenu de continuer les travaux concernant l'accord de libre-échange, en vue d'une éventuelle conclusion, sous le nouveau gouvernement indien. Il appartiendra cependant à ce nouveau gouvernement d'en décider», précise à swissinfo.ch Antje Baertschi, cheffe de la communication du Secrétariat d'Etat à l’économie (SECO).

Initiés en 2007, les pourparlers entre l'Inde et de l'AELE (Suisse, Norvège, Islande, Liechtenstein) ont récemment fait l’objet d’un lobbying intense de la part des entreprises pharmaceutiques suisses. «Elles ont demandé au gouvernement suisse d’en faire plus pour protéger leurs intérêts, en rappelant que leur secteur fournit un grand nombre d’emplois en Suisse», souligne Thomas Braunschweig.

L'industrie pharmaceutique suisse aimerait un assouplissement de la législation indienne en matière de brevet.

Prolongation déguisée des brevets

Ces dispositions sont destinée à lutter contre la technique dite d’«evergreening» consistant pour les groupes pharmaceutiques à déposer des brevets pour un produit faiblement modifié de façon à en conserver pour des décennies supplémentaires le droit exclusif d’exploitation.

Cette législation était au cœur du procès opposant la justice indienne au géant pharmaceutique Novartis. Une affaire qui s’est conclue en avril 2013 par un jugement de la Cour suprême indienne rejetant un brevet sur ​​une nouvelle version du médicament anti-cancer Glivec.

La deuxième demande des géants pharmaceutiques suisses propose de protéger l’«exclusivité des données». Ce qui porterait atteinte à l'enregistrement de médicaments génériques, puisque la proposition des pharmas suisses obligerait les fabricants de génériques à répéter les essais cliniques du produit original.

Ces deux demandes ont jusqu'ici été rejetées par la partie indienne, car elles vont au-delà de ce qui a été accepté à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) avec l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle dans le commerce (ADPIC).

«Les négociations continuent dans toute une série de domaines, y compris dans celui de la protection de la propriété intellectuelle» précise Antje Baertschi, du SECO.

Accord sur les ADPIC

Membre de scienceindustries, l'association des industries en chimie, pharma et biotech, Marcel Sennhauser conteste la position de l’Inde: «Bien que l'Inde ait signé l'accord sur les ADPIC, elle viole ses obligations internationales. Le plus inquiétant, c’est le refus de l'Inde de reconnaître que l'importation d'un produit dépend aussi des règles en matière de brevets. Au lieu de faciliter et de promouvoir le commerce, l'Inde force les entreprises étrangères à produire pour le marché local.»

L'industrie pharmaceutique suisse n'est pas la seule à durcir sa position sur ce qui est considéré comme une politique de propriété intellectuelle indienne restrictive. La Chambre de commerce des États-Unis veut que Washington mette la pression sur l'Inde à cet égard. Début février, la chambre a appelé les autorités à priver l'Inde du statut commercial de «nation la plus favorisée». Ce qui pourrait ouvrir la porte à des sanctions commerciales.

De leur côté, les ONG prônant un développement équitable soulignent que ces pressions sur l’Inde pourraient menacer l'approvisionnement en génériques à bas coût. «Ils ne devraient pas imposer au-travers des accords de libre-échange des règles de propriété intellectuelle plus strictes que les ADPIC. Ce serait porter atteinte à la capacité de l'Inde de fournir des médicaments génériques abordables à des projets de MSF et aux pays en développement», estime Leena Menghaney, responsable de la campagne de Médecins Sans Frontières (MSF) en Inde.

Jean-Pierre Lehmann, professeur émérite d'économie politique internationale à la business school IMD de Lausanne estime, lui, que l’Inde est en droit de défendre sa politique en matière de médicament générique: «L’Inde sera bientôt le pays le plus peuplé du monde. Avec déjà le plus grand nombre de jeunes du monde, la politique de la santé est évidemment une priorité d'une importance vitale pour le gouvernement indien.»

Jean-Pierre Lehmann soutient qu'il appartient aux pays avancés comme la Suisse de «promouvoir des politiques commerciales favorables au développement et à la convergence».

La question de l'immigration

L’Inde n’aurait-elle rien à gagner d’un accord de libre-échange avec l’AELE?

Les experts interrogés, dont d’anciens négociateurs qui se sont exprimés en échange de leur anonymat, sont d'avis que le seul gain important pour New Delhi pourrait être un plus grand accès au marché suisse du travail pour une main-d'œuvre indienne qualifiée. Mais c’est loin d’être gagné, surtout depuis l’acceptation le 9 février par les citoyens d’une modification constitutionelle prônant l’imposition de quotas pour les étrangers voulant travailler en Suisse.

Par la bouche de sa porte-parole Antje Baertschi, le SECO peut seulement préciser à propos de l’immigration: «La Suisse négocie des dispositions en la matière qui ne vont pas au-delà de celles contenues dans d'autres accords de libre-échange conclus par la Suisse. Déjà par le passé, les obligations contractées par la Suisse dans ce domaine ont été mises en œuvre dans le cadre d'un système de contingentement. Dans ce sens, la nouvelle disposition constitutionnelle ne représente pas un changement de système pour les accords de libre-échange».

Le premier secteur suisse d’exportation

Près de 250 entreprises chimiques, pharmaceutiques et biotechnologiques représentent 40% de toutes les exportations suisses dans le monde, ce qui en fait le premier secteur d'exportation du pays.

Avec 65'000 employés en Suisse en 2012, ce secteur est l'un des plus importants employeurs industriels suisses, selon l’association «scienceindustries».

Les exportations totales en 2013 pour cette industrie ont augmenté de 2,5 %. La même année, les exportations vers l'Inde ont chuté de 23,8% à 700 millions de francs suisses.

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