De l'argent privé contre la sclérose en plaques
Un nouveau centre universitaire zurichois va se vouer à la recherche sur la sclérose en plaques, particulièrement répandue en Suisse.
Son financement est assuré à plus de 80% par la biotech Serono. Une forme de sponsoring encore inhabituelle en Suisse.
Avec plus de 10 000 cas recensés, la Suisse serait - avec la Suède - un des pays au monde les plus touchés par la sclérose en plaques. Pourquoi? Le mystère est encore total.
Cette maladie du système nerveux se manifeste par poussées et peut suivre une évolution très variable. Elle provoque des lésions en divers endroits du cerveau, sur les nerfs optiques et sur la moelle épinière.
En l'état actuel des connaissances, la sclérose en plaques est encore une maladie incurable. Tout au plus l'administration de certaines substances peut-elle en freiner l'évolution.
De nombreuses inconnues
«Nous ne savons même pas si c'est une maladie virale, et si elle est contagieuse», admet le professeur Martin E. Schwab, de l'Institut de recherches neurologiques de Zurich.
Les scientifiques ont observé en Suisse des sortes de mini-foyers de sclérose en plaques dans certains villages, ce qui laisserait penser que la maladie est effectivement contagieuse. Mais rien n'est encore établi.
Face à ces inconnues, les chercheurs ne restent pas inactifs. Sous l'impulsion du Pôle de recherche national «Plasticité et réparation du système nerveux», de nombreux laboratoires travaillent désormais sur la sclérose en plaques, mais également sur l'épilepsie, Alzheimer et sur les maladies à prions.
C'est dans ces domaines que l'Institut des recherches neurologiques de Zurich s'est taillé une solide réputation.
L'an dernier, le professeur Schwab et son équipe ont décroché - conjointement avec un laboratoire californien - le Prix de la Fondation Reemtsma et de la Société Max Planck qui récompense chaque année un projet de recherche en neurosciences.
Sponsoring à l'américaine
C'est donc dans le giron de l'Institut zurichois que vient de naître le nouveau Centre de recherches sur la sclérose en plaques. Durant les six prochaines années, il permettra à deux professeurs-assistants et à leurs équipes de poursuivre leurs travaux visant à comprendre cette maladie.
Sur les dix millions de francs du financement initial, 8,4 proviennent directement de Serono. En contrepartie, la firme genevoise de biotechnologie pourra acquérir les licences des éventuelles nouvelles thérapies qui seraient développées à partir de ces travaux.
«Cette manière de sponsoriser la recherche universitaire est très commune aux Etats-Unis ou en Angleterre, mais pas chez nous», explique Martin E. Schwab, qui ne peut que saluer l'aubaine.
«Il est clair que les Hautes écoles n'ont que des moyens limités, et nos soutiens ne doivent pas être uniquement des gens riches ou des banques», poursuit le professeur zurichois.
Et d'ajouter que l'industrie pharmaceutique recrute souvent ses meilleurs cerveaux dans les universités. Il est donc normal qu'elle paie parfois quelque chose en retour.
Excellence et créativité
«29% de notre budget de recherche pour les médicaments - qui était de 415 millions de francs en 2001 - est dépensé à l'extérieur du groupe», explique Michael George, porte-parole de Serono à Genève.
Et d'ajouter que la plus grosse part de cette manne retombe sur les chercheurs suisses, dont le niveau d'excellence et de créativité semble avoir convaincu les gens de Serono.
«Les chercheurs suisses sont de classe mondiale, et nous préférons investir près de chez nous», confirme le porte-parole de la biotech genevoise.
A noter que Serono dispose déjà dans sa gamme de produits d'une protéine baptisée Rebif (pour recombinant beta interferon), qui permet de freiner la progression de la sclérose en plaques.
swissinfo, Marc-André Miserez
Faits
La sclérose en plaques touche 10 000 personnes en Suisse
Le mode de transmission de cette maladie reste encore un mystère
Les Suisses sont à la pointe de la recherche pour les maladies du système nerveux

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