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Délire suisse aux antipodes

swissinfo/SRI

«Cartes postales» de Suisses expatriés... Fabrice Rochat nous adresse son courrier de Brisbane, en Australie.

Ce contenu a été publié le 09 novembre 2002 minutes

Et imagine une étonnante rencontre australo-suisse.

Un doux fumet de viande grillée vint me chatouiller les narines. De jolies saucisses de veau et autres schüblig se doraient la pilule sur un gril. Elles se laissaient mijoter tranquillement, entourées par des morceaux d'oignons et de viande de kangourou.

Le soleil des antipodes brillait de tout son feu dans un ciel bleu océan. A moitié couché sur une table, les yeux mi-clos, je devinais devant moi quatre lettres X de couleur rouge sur un fond jaune. Non, ce n'était pas une boisson classée X, mais une bouteille de bière du Queensland, XXXX (prononcez «for éx»), à moitié pleine.

Des voix autour de moi se mélangeaient avec des accents de franglais, de schwytzerdütsch et d'australien tendance italienne. A quelques mètres de là, un grand costaud aux bras noueux lançait une réplique grandeur nature de la pierre d'Unspunnen. Cette imitation, peinte en rouge avec une croix blanche, pesait bien ses 83.5 kilos.

Le chœur du «Baerg-Roeseli»

Soudain, un bruit de cor des Alpes me sortit de mon demi-sommeil. Deux armaillis en tenue bleue de gala soufflaient à tue-tête dans leurs instruments, alors que des femmes en chapeau traditionnel schwytzois yodlaient à gorge déployée.

Une petite fille agitait deux cuillères en bois, des «Loeffeli», pour en tirer un son enchanteur. A sa droite, un barbu plus âgé portait une énorme coupe en terre cuite, une «Schuessle», et y faisait tourner une pièce de 5 francs suisses en argent. Ce qui produisait un bruit similaire à une pièce de monnaie tombant dans une machine à sous, mais sans que personne ne touche le jackpot.

Une autre dame émettait un son de claquette avec son «Raetsche», sortes de dominos de bois collés les uns aux autres. Devant la scène, trois gaillards tapaient sur le sol avec des balais, tout en les faisant tournoyer en l'air.

Décidément, ils avaient dû emprunter toute la batterie de cuisine du club pour improviser ce concert en plein air.

J'entendis dire par un spectateur proche de moi que le yodler de droite était américain, et président du club suisse local. J'appris aussi que le chœur qui se produisait devant nous s'appellait le «Baerg-Roeseli» et qu'il existait depuis l'exposition universelle de Brisbane, en 1988.

Délire musical

Soudain, un aborigène arriva de derrière la scène avec son «didgeridoo», un instrument similaire au cor des Alpes, en moins encombrant, et se mis à jouer au rythme des yodlers. A peine avait-il commencé à souffler dans son long tube de bois, qu'une horde de danseuses pintubi - une tribu du centre de l'Australie - apparut comme par enchantement.

Elles se mirent à s'agiter dans une danse imitant l'émeu, cette grosse autruche australienne, poursuivi par un dingo - non pas un type un peu fou, mais le chien sauvage d'Australie.

A peine remis de mes émotions, je reconnus le chanteur au crâne rasé des Midnight Oil, Peter Garrett, qui accompagnait la musique de sa douce voix rauque. Mais il n'était pas seul: Stephan Eicher était aussi de la partie. Il avait annulé son concert de Zurich pour venir spécialement participer à cet événement international.

C'était délirant, comme une sorte de Paléo ethnologique océanien à la sauce Montreux Jazz. Les puristes apprécieront le mélange.

Derrière la scène, je distinguais vaguement l'Orchestre symphonique de la Suisse Romande dirigé par le défunt Ernest Ansermet, alors que le Saint-Père Jean-Paul II exécutait un solo de guitare électrique. A cet instant précis, n'en croyant pas mes oreilles, j'ouvris les yeux.

Je m'aperçus que j'étais assis seul en face d'une bouteille de «XXXX», au milieu d'un parc. Un drapeau suisse était accroché au devant de la scène. Décidément, la bière et le soleil ne font jamais bon ménage.

swissinfo/Fabrice Rochat

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