Vingt six lettres pour réécrire la Suisse
Paru aux éditions Slatkine à Genève, le «Dictionnaire impertinent de la Suisse» balaie, à grands coups de gags et d’anecdotes, huit siècles d’histoire helvétique. Ses auteurs? Deux trublions qui ont pour nom Guy Mettan et Christoph Büchi.
Tout y est: l’économie, la finance, le sport, la politique, la géographie, les arts, les lettres, l’histoire et même la cuisine du terroir… Bref, tout ce qui fait un pays, l’Helvétie en l’occurrence, est réuni dans ce «Dictionnaire impertinent de la Suisse» signé Guy Mettan et Christoph Büchi. Deux journalistes romands qui jouent ici les trublions et balaient à grands coups de gags et d’anecdotes huit siècles de vie de la «Confœderatio helvetica».
De A à Z, de l’Aar à Zwingli, voici donc la Suisse et ses habitants, parmi lesquels de nombreux «refusés». A ne pas confondre avec les «demandeurs d’asile» qui, dans ce dictionnaire, apparaissent à la lettre «D», scindés en deux: «ceux qui possèdent un forfait fiscal» et «sont assignés à résidence à Gstaad, St-Moritz ou Crans-Montana», et les autres, «libres de s’installer à Bex, Vernier ou dans la plaine de l’Orbe».
GE = Gueules Elastiques
Donc les «refusés», ce n’est pas ce que vous croyez, non, non, non! C’est tout à fait autre chose. Ce sont des gens plutôt illustres, type Ernesto Bertarelli, «milliardaire suisse (…), fondateur d’Alinghi et double vainqueur de la Coupe de l’America, [qui] a prouvé qu’un pays sans mer est idéal pour faire couler l’argent à flots».
Il y a aussi parmi ces «refusés» Pipilotti Rist et Thomas Hirschhorn, et un peu moins connues les «Gueules Elastiques», ramassées en deux lettres, GE, «surnom (mérité) donné aux Genevois à partir du sigle qui figure sur les plaques d’immatriculation».
Un humour parfois potache, parfois fin, parfois laborieux, parfois attendu, parcourt l’ouvrage de Mettan et Büchi. Un humour qui oscille entre les saillies populaires de Marie-Thérèse Porchet et le rire acide de Christoph Marthaler. Deux célébrités de la scène suisse, curieusement absentes de ce dictionnaire qui consacre pourtant bon nombre de ses entrées à l’art et à la littérature.
Figurent ainsi en bonne place, Ramuz, Chappaz, Frisch, Dürrenmatt et Jacques Chessex bien sûr, «écrivain vaudois ayant su vendre aux lecteurs français un cocktail efficace fait de tourments calvinistes et de perversions campagnardes».
Les Sept Sages et les sept nains
A ces hommes de lettres font concurrence les hommes politiques, impitoyablement caricaturés. Les Sept Sages de la Confédération en prennent pour leur grade de «sept nains» qui, comme dans la fable de Blanche-Neige, «travaillent en chantant et possèdent tous des caractères très différents». Parmi eux, «Cruella», casée sous la lettre «C», car autrement appelée Calmy-Rey, Micheline.
L’honorable Dame, «a réussi à donner à notre politique étrangère une touche de glamour qui a le don de hérisser le poil des blochériens (…). Bref, avec elle, la Suisse a presque eu une politique étrangère. Mais c’était avant que Kadhafi (voir ce nom) ne s’en mêle».
Donc, très vite, aller voir ce qui s’écrit sous «Kadhafi» pour découvrir qu’il est «le dernier venu dans la longue liste des ennemis publics N°1». Ces ennemis que la Suisse exècre, bien sûr, et au rang desquels figure Bruxelles, «lieu de perdition, siège des eurocrates (voir ce mot) qui en veulent au secret bancaire, aux forfaits fiscaux et à la souveraineté suisse».
Un jeu de renvois, diabolique et drolatique, régit donc ce dictionnaire qui, d’entrée en entrée et de fil en aiguille, dessine la silhouette d’une Suisse évanescente, mais forte de ses croyances et de ses traditions. Une Suisse que Jacques Chessex, bien moqué ici, n’aurait pas reniée.
Pratique
Dictionnaire impertinent de la Suisse de Guy Mettan et Christoph Büchi.
Editions Slatkine, Genève. 155 pages.
End of insertionGuy Mettan
Romand. Né à Evionnaz, en Valais, en 1956, il fait ses études secondaires à Genève.
Journaliste. Actif dans le journalisme (Bilan, Nouveau Quotidien, Tribune de Genève…), il travaille également dans le domaine de la politique.
Député. Depuis 2005, il est député au Grand Conseil de Genève et préside le Club suisse de la presse.
Tell. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont un Vibrant éloge de Guillaume Tell (Ed. Zoé).
End of insertionChristoph Büchi
Alémanique. Auteur et journaliste d’origine thurgovienne.
NZZ. Né à Fribourg, il vit entre Lausanne et Champéry où il travaille comme correspondant pour la Neue Zürcher Zeitung.
Livres. Il a écrit plusieurs livres, notamment sur les relations entre les Romands et les Alémaniques.
End of insertion
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Joignez-vous à la discussion