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Le Schaulager de Bâle à la croisée des regards

L'exposition du Schaulager joue des extrêmes...

Le «musée-dépôt» Schaulager de Bâle envoûte avec sa 7e exposition, la première à présenter des œuvres du passé. «D'Holbein à Tillmans, un essai en images» fait naître, entre les œuvres et les siècles, des correspondances riches de sens.

Ce contenu a été publié le 06 mai 2009 minutes

La première œuvre exposée est tellement emblématique, tellement programmatique qu'elle pourrait avoir été réalisée spécifiquement pour l'exposition. Ce n'est pas le cas.

Mais cette oeuvre résume assurément toute la démarche de la nouvelle exposition du Schaulager de Bâle. Datée de 2005, c'est un diptyique photographique de Rodney Graham, artiste canadien contemporain, nommé «Allégorie de la folie, étude pour un monument équestre en forme de girouette».

L'artiste s'est représenté en savant du moyen âge assis sur sa monture, à ceci près qu'il la chevauche à l'envers et que l'épais volume qu'il est en train de lire est l'annuaire téléphonique de Vancouver... Référence à l'«Eloge de la folie» d'Erasme (v.1469-1536), lui même grand conciliateur (entre les Anciens et les Evangiles), l'artiste canadien va donc de l'avant toute en regardant derrière lui.

Grâce à Van Gogh

C'est exactement ce que la responsable des lieux Theodora Vischer a voulu faire, en proposant au Kunstmuseum, qui avait besoin de faire de la place pour la grande exposition Van Gogh, d'héberger environ 180 tableaux et sculptures. Une trentaine d'œuvres contemporaines de la fondation Emanuel Hoffmann et de collections privées complètent le choix.

Les échos recherchés sont parfois hasardeux mais visuellement si forts (l'homme couché sur le dos dans «Le Jockey blessé» de Degas, 1896/98 et la photo «Citizen» de Jeff Wall, 1996) qu'ils en viennent à manquer quand ils ont moins d'évidence.

On ne trouvera ainsi pas de tableau équestre d'Holbein le Jeune pour faire écho au diptyque de Rodney Graham, mais deux portraits du philosophe réalisés à Bâle par son ami peintre.

Les tableaux de la salle de portraits sont accrochés très bas, ce qui change le regard habituel du visiteur de musée. «A hauteur d'homme», le regard de ces figures peintes est, logiquement, placé en début de parcours.

Niveaux de lecture

Selon le concept un peu compliqué du parcours, il s'agit en fait de la deuxième partie, la première étant le collage d'œuvres sur les murs ouest, à la manière d'un cabinet de curiosités, visible depuis la galerie du rez-de-chaussée.

Beaucoup, dans cette exposition, est en tout cas affaire de niveau. Parfois, on s'y perd un peu.

Dans un zig-zag temporel, le visiteur verra le tableau «Homme, femme et enfant» de Picasso non loin d'une photographie de Candida Höfer, qui montre le couloir du Kunstmuseum où est accroché un portrait de famille par Holbein le Jeune, toujours lui, montrant sa femme et ses deux enfants. Un trio à la composition très semblable de celle du Picasso...

Mais même hors correspondances, l'énorme mérite de cette présentation est de permettre de fabuleuses découvertes: il vaut la peine de prendre le temps de lire, avec une lampe de poche, le témoignage de la mère d'Ilya Kabakov, artiste russe vivant aujourd'hui à New York.

Le récit est retranscrit sur des bouts de papier se suivant sur quatre murs, dans une salle sans lumière, tendue de cordes à linge et d'objets-souvenirs de la mère, qui a connu l'extrême dureté du début du 20e siècle soviétique. On lit le récit tout en touchant des objets, sans le vouloir, frissonnant au contact de ces morceaux de vie...

Claerbouts, génial dé-compositeur

La salle Wolfgang Tillmans est très belle. Avec des œuvres d'Andy Warhol et Gerhard Richter, l'exposition passe au grand format et à un grain doucement inquiétant... juste avant une révélation: «Sections of a happy moment», de David Claerbouts, vu récemment à la fondation Beyeler dans un travail sur Venise.

L'artiste belge décompose une scène de lancer de ballon dans un square de HLM, sous tous les angles et selon les différents personnages présents. Le moment est figé et pourtant on croit voir un film.

Impossible de tout citer, des natures mortes hollandaises aux installations contemporaines... «Allégorie» de l'histoire de l'art ou «sections de moments heureux», pour reprendre les titres de deux des œuvres exposées: le Schaulager est, jusqu'au 4 octobre, un concentré instructif, passionné et passionnant.

swissinfo, Ariane Gigon à Bâle

SCHAULAGER

«D'Holbein à Tillmans» est la septième exposition du Schaulager depuis son ouverture en 2003.

Autant espace d'exposition («schau») que de réflexion sur les œuvres déposées («lager»), le Schaulager apparaît au visiteur comme une sorte de grotte qu'Herzog et de Meuron ont conçue. C'est un des plus beaux endroits muséaux de Suisse.

Expositions précédentes: Dieter Roth (2003), Herzog et de Meuron (2004), Jeff Wall (2005), Tacita Dean/Francis Alÿs (2006), Robert Gober (2007), Monika Sosnowska/Andrea Zittel (2008).

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D'HOLBEIN A TILLMANS

Regard. L'exposition du Schaulager organise la rencontre de 200 tableaux et sculptures du Kunstmuseum de Bâle «chassés» de leur maison pour faire de la place à la grande exposition Van Gogh.

Originalité. C'est la première fois, et probablement la dernière, que le musée autorise la sortie d'autant d'œuvres, parmi lesquelles des tableaux connus mais aussi certaines toiles jusque là à l'abri de dépots.

Eventail. On y voit des œuvres de Cranach, Holbein le Jeune, Arnold Böcklin, Ferdinand Hodler, Edgar Degas, Paul Cézanne, Giacometti, Andy Warhol, Joseph Beuys, Bruce Naumann, Wolfgang Tillmanns, Rodney Graham ou encore David Claerbout.

Double. Le parcours s'articule sur deux axes, portraits/natures mortes et paysages/l'homme dans l'espace.

Champ. Etant donné les fonds du Kunstmuseum de Bâle, cet «essai en images» ne compte pratiquement pas d'œuvres dédiées à de grands sujets historiques, religieux ou profanes.

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