La mort s'expose à Berne pour la journée des morts
Mort et violence sont omniprésentes dans les médias, mais la société évite le contact direct avec la mort. C'est ce que montre le Musée des Beaux-Arts de Berne avec l'exposition «Six Feet Under».
Têtes de mort, squelettes et tombes de l'époque antique ou provocations de notre temps: en violant ce tabou, le musée prévient les visiteurs que certaines oeuvres peuvent choquer.
«Le défi de cette exposition était de trouver la bonne manière de parler de notre rapport avec la mort dans une société qui préfère évacuer l'idée de la mortalité», indique à swissinfo Bernhard Fischer, l'un des commissaires de l'exposition.
Du reste, aucun des sponsors traditionnels de la culture, grandes banques, assurances ou autres fondations n'ont accepté de financer l'exposition, qui n'a bénéficié du soutien que d'une fondation, GegenwART.
Cadavres et squelettes
D'une grande richesse, avec des œuvres des cinq continents et de toutes les époques, l'exposition est divisée en six chapitres thématiques.
Intitulé «Cadavres, têtes de mort et squelettes», le premier traite de la mort de la chair, qui disparaît rapidement, et de ce qui peut se conserver pendant des siècles, voire des millénaires (les os).
Des artistes comme Andres Serrano ou Jean-Frédéric Schnyder ont voulu mettre le visiteur face à une image qu'il veut refouler mais qui exerce paradoxalement une fascination morbide: le corps humain sans vie et décomposé.
Deuil et rites
Le deuxième chapitre, «Cercueils, tombes et larmes» est consacré aux rites funéraires.
Dans toutes les civilisations, les morts sont écartés à l'aide de rituels complexes – la plupart du temps religieux – qui se terminent par l'enterrement, l'incinération ou le dépôt à la mer. Le cercueil devient la nouvelle peau du corps, la tombe sa nouvelle maison et le cimetière sa nouvelle ville.
Le tableau «Kinderbegräbnis» d'Albert Anker reflète la mort dans le langage corporel des proches en deuil. On peut également y découvrir des cercueils d'artistes ghanéens créés spécialement pour l'occasion.
Les chers disparus
Les oeuvres exposées dans le chapitre intitulé «Hommages et morts adorés et adulés» représentent des morts qui ont été chers à des artistes.
Le fait que ces derniers se mettent de leur plein gré à thématiser leur relation à la mort en créant le portrait d'un cher disparu, est en réalité une conséquence tardive de la sécularisation engendrée par la Révolution Française, forçant l'individu à chercher en lui-même la réponse aux questions existentielles.
Les organisateurs de l'expositions estiment, par exemple que, les représentations de la Pietà ont sans doute servi de modèles à ces hommages individualisés. Comme le portrait peint par Claude Monet de sa femme décédée.
«La mort de l'artiste» (4e chapitre) est, à l'origine, un sujet romantique du 19e siècle par excellence. Ainsi le dessin de Ferdinand von Rayski, «Suicide de l'artiste dans son atelier», évoque, lui, la nature radicale du suicide.
Un mode de vie
Ensuite, «Mort et lifestyle» fait allusion à l'esprit néo-romantique et à la nostalgie de la mort qui caractérisait ce mouvement artistique des années 80. Un mouvement qui se voulait une réponse au punk et ressuscita le désir de la mort, tel qu'il était déjà apparu dans le romantisme et le symbolisme.
Dernier chapitre, «La vie après la mort» illustre enfin les diverses manières dont les artistes conçoivent l'au-delà. La mort est certes la fin définitive de l'existence physique, mais peut-être n'est-elle qu'un état transitoire qui mène à d'autres formes d'existence.
Les artistes qui se sont penchés sur la question ont donné diverses formes au paradis, au monde des morts-vivants et des revenants. Ou développé des concepts qui font de la mort un événement cyclique au même titre que la vie.
swissinfo et les agences
Faits
L'exposition «Six feet under: autopsie de notre relation avec la mort», est montrée au Musée des Beaux-Arts de Berne du 2 novembre 2006 au 21 janvier 2007.
End of insertionEn bref
«Six feet under» (six pieds sous terre) est une expression utilisée pour parler de personnes mortes et enterrées.
C'est aussi le titre d'une célèbre série télévisée américaine, pétrie d'humour noir, qui raconte l'histoire d'une famille propriétaire d'une entreprise de pompes funèbres.
Les œuvres exposées proviennent de la collection du Musée des Beaux-Arts de Berne ainsi que de collections publiques et privées. Elles représentent plusieurs époques et de nombreux pays et cultures.
L'exposition se divise en chapitres: cadavres, têtes de mort et squelettes, cercueils, tombes et larmes, la mort de l'artiste, mort et lifestyle, la vie après la mort.

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