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Anita Hugi: «Les Suisses sont tous des étrangers, n'est-ce pas?»

Son premier jour sur la scène publique: Anita Hugi présente le programme du festival aux médias. (12.12.2019) Module+

La 55e édition des Journées de SoleureLien externe débute aujourd’hui. Le festival présente les dernières productions cinématographiques suisses. Sa nouvelle directrice Anita Hugi veut dépasser les clichés sur le cinéma et l'identité helvétiques.

Ce contenu a été publié le 22 janvier 2020
Eduardo Simantob, Soleure

Le siège du festival est situé dans une ancienne station-service, dans une rue peu fréquentée de la vieille ville de Soleure. Un drapeau de l'Union européenne flotte sur le toit. Le «Kulturgarage» (garage culturel) apparaît comme le centre culturel de la ville. L'ambiance y est très détendue.

Anita Hugi nous reçoit après une longue série d'interviews. Nouvelle directrice artistique du festival, elle se révèle tout aussi passionnante que le programme. Dotée d’une solide carrière à la télévision et dans l'industrie du cinéma (et de la scène indépendante), elle était jusqu’ici la directrice de la programmation du Festival international du film sur l’art de MontréalLien externe. Elle possède de larges connaissances sur la production cinématographique suisse actuelle.

Journées de Soleure

Créées en 1966, les Journées cinématographiques de Soleure sont l'un des plus anciens festivals de cinéma en Suisse et le plus important pour l'industrie cinématographique helvétique. Anita Hugi n'est que la quatrième directrice en 55 ans. Elle succède à Seraina Rohrer, qui dirigeait la manifestation depuis 2011 et travaille désormais chez Pro Helvetia, la Fondation suisse pour la culture. Pour le prix principal du festival, le jury est composé, cette année, de la réalisatrice franco-suisse Ursula Meier, de l'artiste germano-kurde Cemile Sahin et du diplomate suisse Mirko Manzoni, principal artisan de l’accord de paix conclu au Mozambique.

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Films suisses, perspectives mondiales

Le programme de cette 55e édition met en lumière les films produits ou coproduits en Suisse l'an passé. Il révèle également le rôle fondamental joué par la Société suisse de radiodiffusion et télévision (maison mère de swissinfo.ch) dans presque toutes les coproductions ainsi que la mondialisation du cinéma helvétique, au niveau de la production (partenariats internationaux), des réalisateurs – beaucoup, surtout les plus jeunes, sont d'origine étrangère – et des films qui se déroulent souvent aux quatre coins du monde.

Cette dimension internationale du cinéma suisse ne surprend pas Anita Hugi: «Nous, les Suisses, sommes tous des étrangers, n'est-ce pas?» Le nombre de productions traitant de la crise climatique et de l'environnement ainsi que les œuvres touchant à des thèmes plus universels, tels que la vie familiale, le passage à l'âge adulte et les questions existentielles, l’impressionnent davantage.

La directrice ne croit pas aux clichés et les combat activement. Elle réfute le stéréotype selon lequel les Suisses n'ont aucun sens de l'humour (ou alors très strict). Et de citer, à titre d’exemple, le film d'ouverture, «Moskau Einfach!» («Moscou aller simple!») de Micha Lewinsky, une comédie qui plonge les spectateurs au cœur du scandale des fiches. L’affaire, rendue publique à la fin des années 1980, avait, à l’époque, choqué le peuple suisse.

Scène tirée du film "Moskau Einfach!". Philippe Graber ©Vinca Film

Traiter avec humour un sujet aussi délicat ne constitue pas une tâche facile, mais ce parti pris permet de toucher un public nettement plus large et d’aller au-delà des qualités cinématographiques propres du film. «Moskau Einfach!»Lien externe s'inspire de la comédie satirique «Die Schweizermacher»Lien externe («Les Faiseurs de Suisse») de Rolf Lyssy. Le film raconte les péripéties d’immigrés italiens et d’Europe de l’Est, confrontés à la bureaucratie suisse. Sorti en 1978, après l’initiative contre la surpopulation étrangère lancée par l’homme politique d’extrême droite James SchwarzenbachLien externe, il demeure une référence.

S’ils peuvent être drôles, les Suisses savent également se montrer sérieux et jouer de ce cliché. Selon Anita Hugi, les réalisateurs helvétiques n'ont pas peur d'aborder des sujets indiscrets ou gênants, alors que la société peine à le faire dans la vie quotidienne.

La réalisatrice Heidi Specogna. Solothurner Filmtage, Anne Morgenstern

Parité

Anita Hugi a visionné plus de 600 films candidats au festival. Au final, 178 œuvres, parmi lesquelles des rétrospectives (de la réalisatrice Heidi SpecognaLien externe) et des hommages particuliers aux pionnières du cinéma suisse comme Patricia Moraz, Christine Pascal et Paule Muret, seront projetées. Cette année, Soleure présente une sélection égalitaire, avec environ autant de réalisatrices que de réalisateurs. Une façon pour la nouvelle directrice de marquer le festival de son empreinte. Mais Anita Hugi se veut modeste. «Tout d'abord, je dois étudier l'histoire du festival dans ses moindres détails. Cela va dans le sens du respect de la tradition. Permettre les rencontres, établir des ponts, rapprocher les gens sont les principales fonctions d’un festival tel que celui de Soleure.»

La Soleuroise entend lutter contre le «Röstigraben» («barrière de rösti»), frontière virtuelle séparant les parties francophone et germanophone du pays, en organisant un événement qui doit réunir des étudiants en cinéma des trois régions linguistiques principales (allemand, français et italien) de Suisse. Un débat sur les salaires des réalisateurs et les conditions de travail dans l'industrie cinématographique aura également lieu. «Tel est l'esprit de Soleure», résume Anita Hugi.

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