Comment surveiller les marchés
Enron, Worldcom, Xerox : une série d'affaires ébranle la confiance des investisseurs. La Suisse n'est pas à l'abri, comme le montre le cas Swissair. Que faire?
Des irrégularités comptables pour près de 4 milliards de dollars! L'aveu de WorldCom, le géant américain des télécommunications, ne pouvait guère tomber à un plus mauvais moment pour les investisseurs, pas encore remis du scandale Enron.
Vendredi, des révélations du Wall Street Journal sont venues jeter le doute, cette fois sur Xerox, qui aurait largement surestimé ses bénéfices. Bref le doute s'est installé, aux Etats-Unis, quant à la crédibilité des résultats présentés par les entreprises. La confiance est ébranlée.
En Europe et en Asie, les bourses ont durement accusé le coup mercredi, avant de se reprendre le lendemain. Mais le doute s'est bel et bien installé, aux Etats-Unis, quant à la crédibilité des résultats présentés par les entreprises. La confiance est ébranlée.
Cela nous concerne tous, car les répercussions de telles affaires vont bien au-delà des sociétés mises en causes. Avec des investisseurs plus réticents, c'est l'ensemble des entreprises qui voit le coût du capital augmenter. La croissance est alors plus difficile à financer.
Autre conséquence: chahutées par la bourse, les entreprises ont de la peine à maintenir leurs objectifs. «Elles ont tendance à réduire leur personnel, leurs coûts, note François Savary, stratégiste indépendant. Cela a un impact sur l'ensemble de l'économie.»
En Suisse, le cas Swissair
Les Etats-Unis n'ont d'ailleurs pas le monopole des pratiques douteuses. En Suisse, le liquidateur du groupe Swissair vient cette semaine, face aux créanciers, d'alourdir les soupçons qui pesaient sur les comptes du transporteur aérien.
D'où la question: faut-il renforcer les gardes-fous? En Suisse, la surveillance se fait à plusieurs niveaux. Il revient à la Bourse elle-même, via son Instance d'admission, d'édicter les règles concernant les sociétés cotées et de contrôler leur application.
Une auto-régulation dont la pièce maîtresse est le Règlement de cotation. Pour la Bourse, de nouvelles règles ne s'imposent pas. «Les règlements en soi ne peuvent pas empêcher que de telles choses se passent», estime Leo Hug, porte-parole de SWX.
«Il faut aussi des gens qui s'y tiennent», poursuit-il, tout en signalant par ailleurs l'entrée en vigueur, ces jours, d'une nouvelle directive concernant la Corporate Governance, le gouvernement d'entreprise, qui devrait améliorer la transparence des sociétés cotées.
Vers une adaptation de la législation
Second niveau de surveillance: la Commission fédérale des banques (CFB), dont l'autorité ne se limite pas aux établissements bancaires. D'autres secteurs du marché financier sont de son ressort, notamment le contrôle des bourses. Mais là aussi, on se veut rassurant.
«Personnellement, je pense que les règles actuelles, notamment le Règlement de cotation, et les instruments de contrôle qui vont avec sont suffisants, juge Franz Stirnimann, sous-directeur de la CFB. L'important, c'est appliquer ces règles. Et cela fonctionne bien en Suisse.»
Pas besoin de multiplier les règles, donc. C'est également l'avis de François Savary. «Je crois que la seule manière de véritablement résoudre ce problème, c'est de condamner les gens qui ont eu ces pratiques douteuses, et de les condamner à la prison.»
Ce qui ne veut pas dire que le système doit en rester là, tout simplement. En Suisse, un groupe d'experts mandaté par le Département fédéral des finances planche actuellement sur la question de la surveillance des marchés financiers, dans le but de revoir la législation.
Plus de pouvoir pour la CFB
Présidé par le professeur de droit bernois Ulrich Zimmerli, ce groupe doit rendre son rapport à la fin de l'année. L'une des principales innovations pourrait être la mise sur pied d'une autorité de surveillance intégrée, s'occupant à la fois des banques et des assurances.
Du côté de la Commission fédérale des banques, on en profite pour souligner les insuffisances actuelles. Notamment le fait de certains acteurs du marché échappent aujourd'hui à la compétence de la CFB, les simples investisseurs par exemple. «C'est un manque», commente Franz Stirnimann.
La CFB voudrait aussi avoir des griffes plus longues, disposer de sanctions plus efficaces. Comme la publication du résultat des procédures, avec des noms ou la confiscation des gains illicites. «Cela rendrait la surveillance plus maniable et plus crédible», conclut Franz Stirnimann.
swissinfo/Pierre Gobet à Zurich

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