Comment les humanitaires gèrent la violence
La mort violente d'une Suissesse à Hébron le rappelle brutalement: il est de plus en plus difficile de travailler pour la paix au Proche-Orient.
Dans les états-majors des organisations humanitaires, chaque attentat ou incident violent est pris très au sérieux et passé sous la loupe. On évalue l'événement, on échange les informations, on en tire de nouvelles leçons.
Mais, nous explique Vincent Lusser, porte-parole au siège du CICR à Genève, il faut d'abord se rendre compte qu'il n'est jamais facile de se déplacer dans un contexte comme celui qui règne actuellement en Israël et dans les territoires occupés.
Concrètement, les acteurs humanitaires, qu'ils soient locaux ou expatriés, s'efforcent d'éviter les endroits réputés ou signalés comme particulièrement violents. Et s'ils doivent quand même s'y rendre, ils ne le font qu'après avoir notifié leur déplacement aux autorités compétentes.
Un climat qui engendre la peur et la nervosité
Dans ce cas-là, chaque véhicule reste en contact radio permanent avec la base et la vigilance est de mise. Pas question, par exemple, de s'attarder aux check-points et dans leurs longues files de voitures. Ce sont des lieux de tension, de peur et de grande nervosité.
Il importe aussi d'assurer le mieux possible son identification. L'emblème est fait pour ça. Mais il ne suffit pas toujours. Le 12 mars dernier, à Ramallah, un véhicule du CICR qui accompagnait une ambulance palestinienne a été touché de trois balles, heureusement sans gravité.
Il arrive que l'emblème - Croix-Rouge ou Croissant-Rouge - soit aussi utilisé illégalement sur des véhicules n'appartenant pas à ces organisations. Des agents de santé, infirmiers, pharmaciens ou autres s'en servent parfois pour leur travail, sans intention malhonnête, simplement pour se protéger.
Au CICR, on dit ne pas connaître de cas dûment vérifié où son emblème aurait été utilisé pour couvrir des transports d'armes ou de combattants. Faute de données précises, on se refusait à commenter l'information selon laquelle une ambulance palestinienne chargée d'explosifs aurait été interceptée mercredi près de Ramallah.
En attendant des jours meilleurs
La Coopération suisse à l'œuvre dans les territoires occupés n'a pas tout à fait les mêmes problèmes. Mais ses difficultés de déplacement ne sont pas moindres, nous dit Elisabeth Diethelm, collaboratrice de la DDC à Berne.
Côté sécurité, la petite équipe basée à Jérusalem collabore principalement avec le Programme des Nations unies pour le développement et applique ses règles en les adaptant à sa propre situation.
Les gros problèmes surgissent lorsqu'elle doit se déplacer à Ramallah ou dans la Bande Gaza. Elle utilise pour cela un véhicule spécial de sécurité spécialement importé de Suisse, muni d'un emblème suisse bien visible.
Jusqu'à présent, les gens de la Coopération n'ont pas eu d'incident particulier à signaler. Mais les entraves au travail ne cessent de se multiplier. On ne sait jamais le matin ce qu'on va pouvoir faire dans la journée. Des activités doivent constamment être reportées à des jours meilleurs.
Un besoin accru d'appui psychologique
Reste que chaque incident représente pour chaque travailleur humanitaire ou coopérant un moment difficile à vivre, commente encore Vincent Lusser. Le fait de se savoir à tout moment confronté à un possible danger est un stress qui s'ajoute au surmenage déjà causé par un rythme de travail effréné.
D'où l'importance d'un soutien psychologique digne de ce nom. Et, plus en amont, celle d'un vrai travail de communication. Aucune protection ne remplace le réseau de contacts, disent les spécialistes.
Mais quand la colère, le désespoir ou la folie s'en mêlent, nul n'est plus à l'abri de n'importe quel coup de feu, rafale ou attentat. Cela n'arrive pas qu'aux autres.
swissinfo/Bernard Weissbrodt

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