Blanchir est plus facile en France qu'en Suisse
Très sévère avec la Suisse en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, Arnaud Montebourg l'est davantage vis-à-vis de son propre pays.
Imaginez un pays où il est encore possible de régler en liquide une magnifique propriété valant 80 millions de francs. Ensuite, un article du code des impôts permet au propriétaire de ne pas apparaître contre le paiement d'une taxe de 3% de la valeur du bien.
Il ne s'agit pas des Bahamas ou de l'Ukraine, mais de la France. La mission parlementaire française de lutte contre l'argent sale, animée par les députés Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, rend aujourd'hui un rapport particulièrement accablant sur la passivité française en matière de combat contre la délinquance en col blanc.
Quatre dossiers transmis à la justice
«Le blanchiment d'argent sale n'est pas le sujet de préoccupation principal des policiers, des gendarmes et des magistrats: l'insécurité reste leur problème majeur», n'hésite pas à reconnaître Marylise Lebranchu, ministre socialiste de la Justice. Elle ajoute même que les effectifs pour lutter contre l'argent sale baissent en France.
Arnaud Montebourg n'y était pas allé par quatre chemins l'année dernière pour dénoncer le manque de motivation des autorités helvétiques pour combattre ce fléau.
Ne trouvait-il pas que les 150 ou 200 dénonciations annuelles des banques restait un chiffre ridiculement bas? Or, il constate que la Commission bancaire française, qui surveille 2600 établissements de crédit, n'a transmis que ... quatre dossiers à la justice.
Le procureur Bernard Bertossa en avait étonné plus d'un en affirmant que des Suisses blanchissaient de l'argent en France! Un ancien responsable de la Commission des opérations de Bourse le confirme: on peut blanchir en toute impunité 250 millions de francs suisses en une seule journée dans l'Hexagone. C'est aujourd'hui nettement plus compliqué dans la Confédération.
La poutre dans l'œil français
D'ailleurs, un rapport du ministère de l'Intérieur reconnaît que la justice ne parvient à saisir que 0,5% de l'argent de la criminalité en France. Quant au sud-est de la France, le rapport de Montebourg et Peillon décrit carrément une République bananière, où cinq malheureux fonctionnaires tentent de traiter du contrôle de la légalité de 5000 marchés publics.
Et que penser de l'arrêt brutal de certaines procédures, quand on sait que les agents du fisc se voient proposer 1 million de francs suisses pour fermer les yeux? Les députés français de cette mission parlementaire ont eu le courage de décrire la poutre plantée dans l'œil de la France. Il reste à savoir si le futur président de la République en tirera les leçons.
De plus, cette analyse courageuse, intitulée «un combat à poursuivre», crédibilise quelque peu les précédentes enquêtes consacrées respectivement au Liechtenstein, à Monaco, à la Suisse, à la City de Londres et au Luxembourg.
swissinfo/Ian Hamel

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